Friday, May 23, 2008

À la croisée des chemins ou chemin de la Croix pour la Bolivie ?

Bonjour chacun-e,

Est-ce que la Bolivie peut encore choisir son chemin ? Est-ce que chaque région prendra sa propre direction ou déboulons-nous sans freins, tous ensemble, vers un précipice ? Ici, à CEPA, c’était le sujet de conversation, hier après-midi, entre une vingtaine de personnes du personnel et quelques invités.

1. Le 4 mai dernier, la population du département de Santa Cruz approuvait, illégalement mais massivement (85 %), ses statuts pour l’autonomie. Ainsi affirme-t-on. Celui qui voulait en savoir plus, sur ce qui se passait à Santa Cruz en cette journée, via la télévision, devait regarder en même temps, trois canaux différents.
- Les canaux étrangers étaient à l’affût des actes de violence mais devaient se contenter à peine ici et là, de quelques escarmouches. Ils étaient certains que la Bolivie se trouvait au bord d’une guerre civile.
- Les canaux régionaux et antigouvernementaux voulaient montrer surtout comment le référendum se déroulait normalement et avec une grande assistance. Ils étaient surtout intéressés au résultat. Mais quelle est la valeur d’un plébiscite qui se passe sous le contrôle unique des votants du oui ?
- Le canal pro-gouvernemental avait dans la mire la fraude, le grand nombre d’abstentions (39 %), les votes pour le «non» (13 % ) et les protestations de centaines de mille de Boliviens, dans les autres grandes villes, qui manifestaient contre, ce qu’on estimait être, une action de séparation illégale. Mais on ne pouvait nier la re-confirmation de l’appel à l’autonomie.

Conclusion : chacun avait partiellement raison et donc chacun maintient son point de vue.

2. Mais maintenant, tout cela semble être une vieille rengaine. En effet, trois autres référendums régionaux sur l’autonomie se préparent (Beni, Pando et Tarija) ainsi que trois au niveau national concernant :
- l’approbation de la Nouvelle Constitution,
- combien d’hectares de terrain a-t-on droit de posséder comme propriété privée en Bolivie, 5000 ou 10000 ha ?
- et le vote de confiance envers le président, son vice-président et les préfets (gouverneurs) des neuf départements. S’il y a un nombre plus grand de votes qui les rejettent que le nombre reçu lors de leurs élections précédentes, ils seront remerciés. Cela ne semble pas être un problème pour Evo, car quoi qu’il en soit, il gagnera de nouveau lors d’une prochaine élection, mais pour la plupart des préfets ça deviendra une danse sur la corde raide. L’enjeu de ces épreuves de force permanentes est la nouvelle Bolivie ( et sa politique agraire ) que l’Assemblée Constituante a élaborée.

3. La Bolivie semble se trouver devant trois choix :
- Ou on opte pour un dialogue et un grand accord social, dans lequel chaque parti cède une part de ses acquis,
- Ou on en arrive à une confrontation, pouvant être violente à différents degrés.
- Ou bien, la Bolivie se désintègre sans coup férir et chaque partie va son propre chemin.
Il se pourrait aussi que nous en arrivions à une combinaison des trois : des confrontations limitées qui mèneront à des pourparlers où, pour limiter le pire, on reconnaîtra un certain degré d’autonomie. La question est de savoir quel modèle social prendra le dessus ? Le résultat sera-t-il seulement quelques adaptations à la Constitution existante ou sauvera-t-on, en grande partie, la nouvelle Constitution ( sur la base des droits fondamentaux et le respect des particularités culturelles) ?

4. Nombreux seront les facteurs et conditions qui joueront un rôle, comme par exemple :
- Le processus actuel pour des changements est irréversible. La participation des groupes majoritaires autochtones, jadis exclus, ne peut plus être ignorée.
- Pour le moment, il n’existe pas d’alternative pour le président Evo Morales. Actuellement, au temps de grandes hausses de prix des produits et services de base, compensées seulement en partie par l’augmentation des revenus, lui seul peut assurer une relative paix sociale,
- La dépendance des influences externes demeure grande, non seulement de l’économie et de la politique mondiale, mais aussi des caprices de la nature et des changements climatiques.
- Il ne s’agit pas uniquement d’une économie de bien-être, mais aussi de reconnaissance, d’estime et d’identité : devenir «quelqu’un» dans la société. À cette fin on est prêt à plusieurs sacrifices sur le plan économique.
- Le gouvernement d’Evo Morales a ses limites et a fait des erreurs. On a été trop dépendant des fonctionnaires à rebrousse-poil et on a eu à insérer trop de monde sans formation ni expérience. N’aurait-on pas dû commencer par forcer des changements pour ensuite les inscrire dans une Constitution ? N’a-t-on pas trop laissé aux mains de l’opposition, l’appel légitime à l’autonomie, pour lequel on a une propre réponse ?
- Le mécontentement parmi la classe moyenne s’agrandit.
- Dans les groupes populaires autochtones il se vit — plutôt d’une façon inconsciente — la certitude de contrôler le pays. Comme un seul homme on se range derrière Evo. S’il veut que demain les chemins soient parsemés de millions de pierres, ils le seront. Ce sont eux qui seront le moins touché par de possibles conséquences.

5. Entre-temps, le travail continue à CEPA, indépendamment mais concerné par le processus actuel de changement.
- À la «11e Feria de la Biodiversidad» sur la plaza d’Oruro, participaient plus de 20 instituts ruraux d’enseignement. Tout se déroula sous le signe de l’Année Internationale de la Pomme de terre.
- La faculté d’agronomie de l’université d’Oruro, décernait à CEPA une «décoration pour services rendus» proposée par la «Division de Développement rural durable», récemment crée. Ainsi nous récoltons ce que Marcos Van Rijckeghem, comme oblat –agronome, a labouré, engraissé et semé pendant tant d’années.
- Cette semaine nous avons envoyé 14 étudiants de fin d’études en anthropologie pour un travail de recherche et de promotion, durant quelques semaines, dans les Casas de Cultura de 7 villages andins (Aymara, Quechua, Uru).
- Enfin, après une longue bataille, un audit environnemental se met en marche concernant la mine aurifère Inti Raymi. L’Université de la Paz (UMSA) a été nommée comme «fiscal» mais les communautés rurales (organisées dans CORIDUP) veilleront au grain.

On ne peut certainement pas dire que la Bolivie manque de dynamisme.…

Gilberto Pauwels

OruroBolivia.

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