Friday, August 10, 2007

Des temps nouveaux.

Bonjour tout le monde,

‘‘ Nous ne sommes pas pauvres. Nous avons une culture riche et nous possédons des ressources naturelles inépuisables. Seulement, jamais on nous a laissé gouverner.’’ C’était la réponse d’une autorité aymara suite à un discours de l’ambassadeur des États Unis, il y a quelques jours. La Bolivie vie des temps nouveaux et on préfère parler de dignité et de droits plutôt que de parler d’un aigu manque de pouvoir d’achat ou d’opportunité de travail.

1. Aujourd’hui (6 août), c’est la fête nationale et la nouvelle constitution n’est pas prête. On a donc élaboré un nouvel échéancier qui prévoit deux référendums, un pour décider des points en litige et un deuxième pour l’approbation définitive du texte. Cela signifie qu’il y a encore des mois de travail. Pour obtenir cette prolongation, le parti MAS d’Evo Morales a dû faire beaucoup de concessions à l’opposition, au point que les organisations autochtones les plus importantes (CONAMAQ de l’altiplano et CIDOB des régions tropicales) se questionnent sur leur appui inconditionnel. Il semble que le MAS commence à être coincé dans une position de centre, entre une opposition grandissante (par la classe moyenne) et un front ethnique culturel (regroupant un ‘Bloque Patriótico’ avec, entre autres, Félix Cárdenas). La question est de savoir quel jeu jouera-t-on dans le champ central et où se feront les buts ? De plus : comment respecter les règles du jeu pendant qu’on élabore des nouvelles normes (une nouvelle constitution) pour le futur ?

2. Sur le document de la 5e assemblée des évêques de l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale à Aparecida (Brésil) on n’a pas tenu de référendum ou quelque chose de semblable. Le Vatican s’est chargé de le peser et soupeser, de l’aplanir et de le rendre public. Je me limite à quelques réflexions personnelles.
a. Comparé aux réunions précédentes (Medellin, Puebla, Santa Domingo), l’intérêt publique a été plutôt pauvre. Il y a eu peu d’effet, tant au niveau international qu’à la base,
b. La vision trop positive du pape sur la Conquista et la vision trop négative du cardinal Julio Terrazas sur le processus d’émancipation en Bolivie ont été ressenties ici comme un mauvais départ, bien que par après quelques nuances furent apportées.
c. Le plus gros de l’attention est allé à la théologie de la libération à savoir qu’arrivera-t-il avec l’option pour les pauvres, avec la méthode ‘voir, juger, agir’, et avec les communautés de base de l’Église. Tout cela n’a pas été publiquement condamné; leurs représentants pouvaient même, jusqu’à un certain point, collaborer, mais le rejet subi, pendant des années, par les autorités, les a placés comme cible d’attaques aux groupes traditionnels de pouvoir. Les théologiens étaient repoussés en position défensive. Par la suite peu d’idées ont alimenté la réflexion. Leur renouveau intérieur est resté limité, tant sur le plan du contenu que sur le plan des personnes.
d. Par contre ce qui est explicitement présent dans le document final est la défense des droits écologiques et ethno-culturels, mais cela en tant que tâches secondaires. Les analyses antérieures ont été complétées; il n’y a pas eu de travail sur une nouvelle vision intégrale avec comme point de départ la diversité naturelle et culturelle.
e. Selon la journaliste Barbara Fraser (Catholic News Service- www.catholic.org ) ceux qui oeuvrent dans l’Église pour l’environnement ‘recevront des munitions pour le combat’. Elle mentionne à ce sujet les évêques Erwin Krautler (Brésil), Pedro Berreto (Pérou) et Alvaro Ramazzini (Guatemala) ainsi qu’en tant qu’organisation, le ‘Centro de Ecología y Pueblos Andinos’(CEPA – Oruro). C’est un peu trop d’honneur; il y a beaucoup d’autres organisations cléricales qui ont fait beaucoup plus dans la lutte pour une justice environnementale. Quoi qu’il en soit, on ne peut plus ignorer cette thématique dans la société et la religion.
f. La réunion d’Aparecida, annonce-t-elle une nouvelle ère ? Il y a eu un temps que l’Église pensait qu’il fallait s’appuyer sur les riches pour pouvoir aider les pauvres. Par la suite s’ajouta ‘ l’option pour les pauvres’ avec l’intention d’appuyer dans leur propre dynamique, ceux qui de moins en moins voulaient être étiquetés comme pauvres. Maintenant, quand nous voyons ce qui se passe, nous remarquons que nous mettons le cap sur une Église qui devient plus pauvre, même si cela n’est pas encore considéré comme un fait et encore moins comme une option par les évêques. La question est de savoir si, dans la réalité, elle voudra et pourra devenir l’Église des pauvres ?
g. Vendredi dernier, CEPA a été décoré par le gouvernement local (la préfecture) — par hasard en présence de l’ambassadeur des États Unis — pour notre contribution au progrès du département. Il faut croire que les critères changent. La préoccupation pour l’environnement et la percée des peuples andins (traditionnellement considérés comme une menace et un frein pour le développement) sont confirmés comme ‘progreso’. Voilà une preuve de plus que des temps nouveaux commencent à poindre.

D’une Bolivie qui festoie mais qui n’est pas sans inquiétudes.

Gilberto Pauwels.

Thursday, August 2, 2007

Alarme inflationniste.

Amigos todos,

Comment se fait-il que le gouvernement populaire d’Evo Morales doit affronter continuellement des grèves ou des blocages de routes ?

1- La réponse à cette question n’est pas simple. Examinons quelques éléments :

a. Depuis longtemps, en Bolivie, le syndicalisme a des petits traits politiques et la politique bolivienne se caractérise par des tournures syndicales. Des droits sont arrachés de force, et des besoins se font connaîtrent par les masses.

b. Le fait que le gouvernement actuel s’appuie sur les organisations populaires renforce cette tendance. À leur tour, ces organisations, spontanément, utilisent leurs moyens de pression.

c. L’opinion publique est au courant qu’actuellement il y a plus de moyens financiers disponibles grâce aux exportations et aux programmes de solidarité. Avec une tarte plus grande, tout le monde veut une pointe plus grande. Cette répartition occasionne des tensions (mais moins qu’avec un budget réduit).

d. À cause de la globalisation, l’offre de la consommation a augmenté beaucoup. On aspire aux choses de dernier cri et beaucoup de gens sont prêts à aller très loin pour les obtenir, même aux dépens des autres.

e. L’opposition, qui contrôle la majorité des médias de communication, attise le mécontentement et en met plein la vue dans la divulgation de toutes les protestations.

f. Ce sont les communautés rurales autochtones qui ont l’arme le plus important : les blocages massifs des chemins. Le gouvernement d’Evo montre une option de préférence pour ces organisations et peut donc compter sur leur appui. Des actions de protestation pour des problèmes locaux et par des groupes sociaux limités sont plus faciles à neutraliser.

g. À vrai dire, cela signifie que pour le régime actuel, il n’y a pas d’autre alternative, aussi longtemps que les organisations ethniques culturelles restent unies pour lui témoigner leur appui. Toute forme d’atteinte à cet appui aura comme conséquence de paralyser le pays et de le rendre ingouvernable. Cela, l’opposition autant que le gouvernement le savent.

h. Au cours des prochaines semaines, le renouvellement de la constitution produira une augmentation des tensions. Chaque groupe social ou chaque région veut sauvegarder ses droits. Sur ce point, deux modèles d’état difficilement réconciliables s’opposent l’une à l’autre : le ‘traditionnel’ (de l’opposition) et le modèle ethnique culturel (du parti MAS et ses alliés). L’opposition (PODEMOS) veut arriver à un choix via un référendum entre les deux modèles. La majorité (MAS) se dirige par référendum à un choix mais seulement sur des aspects partiels, une fois adopté leur modèle comme base.

i. Dernièrement, il y a eu la rumeur d’une alarme inflationniste. Cela confirme que l’opposition accepte qu’effectivement plus d’argent circule dans les couches populaires, mais elle attribue ce fait à la contrebande et à la drogue. Le gouvernement explique ce ‘succès’ par les augmentations des revenus dues à l’exportation ainsi qu’aux contributions des émigrants (las remesas). Il y a des augmentations de prix mais le gouvernement affirme avoir tout sous contrôle, malgré les rumeurs de ses adversaires indiquant une accélération de l’inflation. La valeur du dollar continue à baisser vis-à vis la monnaie locale, le boliviano (maintenant à 7,91 Bs.)

2. Au Centre pour l’Écologie et Peuples Andins (CEPA), chacune des quatre divisions vient de passer une période très occupée. La division ‘Formation’ organisait un cours sur l’usage des langues autochtones dans l’enseignement. On comptait sur la participation d’une trentaine de personnes. La semaine passée nous avons clôturé une deuxième session du même cours. Au total, ont participé 70 enseignants. La langue aymara et quechua ont la cote et plusieurs linguistes (de l’étranger) étudient, avec l’appui de CEPA, la langue chipaya.

3. La division ‘Information’ : la (petite) salle de lecture de la bibliothèque est régulièrement pleine à craquer. Il n’est pas seulement question de rendre accessible l’information existante, mais de procurer aussi de nouvelles connaissances via la recherche. Le programme de recherche de PIEB sur la vie sociale et interculturelle dans les villes vient d’approuver deux projets pour Oruro. Le premier examinera la répartition des budgets du gouvernement dans les quartiers de la ville. La deuxième étude se déroulera parmi les étudiants du niveau secondaire dans le but de savoir jusqu’où les étudiants sont prêts à aller pour participer aux attraits d’une société de consommation (criminalité juvénile, prostitution) ? D’ici peu, un autre projet de recherche sera lancé sur l’impact que l’émigration vers d’autres pays pourrait avoir sur les communautés d’où les gens sont partis.

4. La division ‘Environnement’ a réussi à organiser une ronde d’inspection de six jours dans les ‘régions problèmes’ avec les membres des communautés affectées, accompagnés des représentants du service environnemental de la préfecture ainsi que des représentants de trois ministères (environnement, eau et mines). Une fois les rapports disponibles, viendra le plus important : accompagner la ‘Coordinadora’ de ces communautés (CORIDUP) dans la recherche de solutions durables.

5. Division ‘Culture’. Il y a quelques jours, à Challacollo, on a inauguré la ‘Casa de Cultura’ avec des activités pour jeunes (dessins) et moins jeunes (histoires). Evo Morales s’est rendu à Turco fêter le cinquantième anniversaire de la fondation de la municipalité de Turco mais l’inauguration de la ‘Casa de Cultura’ n’était pas au programme. En effet, le ‘Colegio Canada’ a été démoli (dommage) pour reconstruire un nouveau au même endroit et de ce fait ‘La Casa de Cultura’ a été démantelée pour servir de petite salle d’ordinateurs ainsi que salle de classe temporaire. Pour tous les Centres Culturels que nous voulons organiser, il y a de bonnes perspectives concernant l’archéologie, non seulement pour contribuer à la conservation et la valorisation des endroits ressources et des objets, mais aussi à la restructuration territoriale du département en ‘suyus’ (Carangas, Soras, Quillacas, Urus) sur la base de données historiques palpables.

Avec un salut cordial d’une ville d’Oruro froide et nuageuse.

Gilberto.