Wednesday, February 21, 2007

Carnaval à Oruro!

Amigos,

Oruro fête son Carnaval. Les diables dansent pour La Virgen del Socavon. La fête s’amplifie à chaque année.

1. Il y a assez longtemps, le curé d’un quartier des mineurs et le patron de la mine trouvaient que deux fêtes de suite — la fête de la Purification de la Vierge ou la Chandeleur, patronne de la chapelle du quartier et le Carnaval, célébration d’une fête ‘païenne’ tolérée, avant d’entreprendre le sévère carême — n’étaient pas bonnes pour les moeurs et le travail. On décida donc de fusionner les deux en un seul événement de festivités : catholicisme espagnol et rites de fertilité. L’originalité de ce croisement a mené à une célébration si intense et variée, que la fête du Carnaval d’Oruro fut proclamée, depuis quelque temps, Patrimoine de l’Humanité. En plus cette année, le président Evo Morales et une partie de son cabinet étaient de la partie.

2. Mais encore hier, Evo Morales était à Oruro, dans la fonderie d’étain de Vinto, pour une ‘ch’alla’, un sacrifice à la Mère Terre. Le même soir, le rite pour la Pachamama a été refait mais cette fois, dans le ‘Palacio de Gobierno’ à La Paz. Le patrimoine andin semble trouver une place de plus en plus importante et de façon créative à l’avant scène.
— Ce n’était pas par hasard que la cérémonie se déroulait dans la fonderie. Le 10 février, le département d’Oruro fêtait son anniversaire et pour cette occasion le président est demeuré trois jours sur place. L’événement le plus important était sans doute la (re)nationalisation de la fonderie d’étain de Vinto. Elle avait débuté comme une entreprise d’état, fut achetée par COMSUR, la compagnie minière de l’ex-président Gonzalo Sanchez de Lozada, qui, sentant la soupe un peu trop chaude, la revendit à la compagnie anglaise Glencore. Selon le gouvernement, ces transferts se sont opérés avec tant d’irrégularités, qu’on décida de ne payer aucun dédommagement lors de cette ‘récupération’. L’ex-président Goni, qui demeure aux États Unis, et contre lequel un procès pour tueries collectives est en cours, était propriétaire de plusieurs autres mines …
— Evo avait d’autres surprises pour son département. Non seulement le chemin vers le Chili (Pisiga) sera asphalté au complet mais également une route touristique qui contournera le lac Poopó (et qui passera par Orinoca, le village natal d’Evo).
Dans peu de temps, Oruro pourra compter sur un expo-campus élargi, rattaché à l’université. Chaque village a reçu deux tracteurs agricoles. Personnellement, j’aurais préféré quelques milliers de pompes à eau aux soixante-dix tracteurs pour le même argent.
— Entre ses visites à Oruro, le président s’est rendu au Brésil où il a réussi, contre toute attente, une amélioration du prix de vente du gaz. Davantage de beurre sur le pain et une redistribution visible de la richesse au profit de la population, ce sont des réalisations du gouvernement actuel qu’on peut difficilement nier.
— Entre-temps, de l’argent a été disponible et on a reçu de l’aide de l’extérieur pour les victimes des désastres naturels. Les prédictions en relation avec le phénomène climatique ‘El Niño’ se sont avérées justes et les conséquences négatives semblent plus graves que ce à quoi l’on s’attendait. Les inondations dans l’Est sub-tropique comme la sécheresse et le gel sur l’altiplano ont causé des problèmes partout. Le plus épargné est encore Oruro.

3. À CEPA (Centre pour l’écologie et peuples andins), nous étions occupés, ces derniers jours, à faire des recherches et des publications.
— Le livre de Marcelo Laura sur le Carnaval a été présenté aux étudiants en anthropologie. Cette fois il ne s’agit pas de l’histoire et de la symbolique des différents groupes de danseurs. C’est plutôt une analyse socioculturelle des processus et des rapports de forces sous-jacentes. Ceux qui prétendent représenter les peuples andins, ne montrent pas toujours le respect nécessaire vis-à-vis les représentants authentiques de ces groupes populaires.
— Le livre de Ricardo Lopez, sur les masques et les danses dans les ayllus des villages d’Oruro, se trouve en imprimerie mais n’a pas été imprimé à temps. D’une certaine manière, c’est une réponse à son livre précédent : un retour aux sources.
— Dans le même sens mais d’une façon plus large sur le plan politique, le livre de José Luis López argumente sur ‘le droit à l’autonomie des peuples autochtones de la Bolivie’. Il place la problématique de la diversité culturelle et ethnique en Bolivie dans le contexte du droit international. Nous avons déjà procuré un exemplaire à Félix Cárdenas (Griffonnages # 148), qui est devenu le président de la commission — peut-être la plus importante — de l’Assemblée Constituante : la commission doit élaborer une nouvelle vision de la Bolivie.
— En
décembre, nous avons fait paraître un livre sur la ‘pasakana’, un fruit de cactus et en janvier, la préfecture organisait une exposition à son sujet. Antérieurement, nous avions publié un texte du même auteur, Erick Morón, sur l’«anqhañuqu», une racine sauvage comestible, parasite de l’arbuste ‘thola’. Il y aura aussi une exposition à ce sujet dans le mois de mars.
— Et entre-temps, nous nous sommes déjà réunis à trois reprises en 2007, avec un nouveau groupe de chercheurs sociaux. 25 se sont présentés. Le groupe a choisi le nom de CIPS, un petit mot ‘bon-à-tout’, très répandu à Oruro, (si pués, genre : hé-oui) mais qui signifie ici «Centro de Investigaciones y Políticas Sociales». Ça promet pour le futur.

Les diables d’Oruro s’agenouillent par dévotion à la Sainte Vierge, signe que la fête commence. Oruro danse, se soûle, bouffe, joue, bagarre et fraternise.

Gilberto.

Sunday, February 4, 2007

Surprises d'Evo.

Bonjour tout le monde,

Le gouvernement d’Evo Morales continue à nous servir des surprises. Ces jours-ci, il nous montre que non seulement il est capable d’organiser des manifestations populaires, mais aussi de les refréner, si stratégiquement cela convient mieux

  1. Il y a encore des groupes qui exigent la démission des préfets de Cochabamba et de La Paz, mais vu que légalement, cela est seulement possible par référendum, le gouvernement a écarté la rébellion populaire comme solution.
    L’évolution durant un an de gouvernance a mené à un changement de direction. Sept ministres, les plus discutés ou conflictuels, ont été remplacés.
    En plus, le gouvernement accepte finalement que chaque article de la nouvelle constitution soit approuvé par une majorité des 2/3, mais il impose la fin de juillet comme date limite. Par la suite, on soumettra les articles, qui à cette date n’ont pu être approuvés, à un référendum.
    Malgré cette attitude plus conciliante, le parti MAS d’Evo a perdu la présidence du sénat. Les partis de l’opposition ont pactisé ensemble. Le MNR et le UN qui n’ont qu’un siège chacun, ont donné leur appui à PODEMOS, à condition que, d’abord le UN et après le MNR, occupent le siège de la présidence du sénat pendant un an. Pour Evo et son gouvernement, le sénat demeure donc le plus grand obstacle pour réaliser des changements légaux à court terme. Ils veulent demeurer démocratiques, mais sans accumuler de conflits. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’en auront plus. Celui qui vise des changements profonds, marche inévitablement sur des pieds sensibles. Beaucoup de gens et d’institutions considèrent leurs soi-disant droits ou privilèges comme inaltérables et sont prêts à aller très loin pour les défendre. Quoi qu’il en soit, cela demeure «un processus révolutionnaire en démocratie», un combat.

  2. Hier, j’ai partagé mon temps entre trois réunions importantes pour les objectifs de CEPA en tant que Centre pour l’Écologie et Peuples Andins.
    — Les consultations du gouvernement dans les secteurs impliqués de l’industrie minière, ont été finalisées dans le but d’en arriver à un projet de loi. Plus de cent personnes y ont participé mais on n’a pas réussi à trouver un compromis, car les coopératives ne veulent pas une augmentation d’impôts. Un fait nouveau était que la problématique des communautés rurales et de l’environnement (Écologie et Peuples Andins !) était explicitement présent. Beaucoup de gens seraient surpris de savoir que Guillermo, le ministre de l’industrie minière, et Carmen Rosa, écologiste et présidente du comité de direction de CEPA, forment un couple depuis des années …
    — Ailleurs en ville, le Vice-ministre pour la Biodiversité, convoquait les organisations et les spécialistes dans le but de discuter et d’enrichir un projet de loi sur la Diversité Biologique. Une cinquantaine de personnes se sont réunies et on a eu des débats fort animés dans des groupes de travail sur la signification d’un certain nombre de principes de base. En tant que CEPA, nous avions sur ce thème un numéro prêt de notre bulletin d’information, le Chiwanku ( Le Merle). J’y ai rencontré Sebastiana, une femme Chipaya, qui, il y a cinquante ans, comme jeune fille, jouait le rôle principal dans le premier film ethnographique d’importance en Bolivie : « Vuelve Sebastiana», traitant des relations de son petit village avec le village aymara voisin, Sabaya.
    — Et dans le ‘paraninfo’ (salle de spectacle) de l’université a eu lieu le Premier Congrès de CORIDUP, la ‘Coordinadora’ pour la Défense de la rivière Desaguadero, du lac Uru Uru et du lac Poopó, surtout contre la pollution par l’industrie minière. Il y avait plus de 200 personnes présentes.
    Jusqu’à date, en tant que CEPA, nous nous sommes comportés comme des ‘asesores’ à l’égard des communautés impliquées par l’exploitation minière, en les transmettant surtout de l’information. Nous sommes arrivés à la conclusion que nous devions en faire plus, et ainsi, Emilio et Angela de CEPA ont joué un rôle plus actif dans l’organisation du Congrès. La Coordinadora de l’Eau de Cochabamba a servi de modèle. Mais le plus grand défi est, et restera toujours, le milieu-audit de la mine aurifère Inti Raymi.

  3. Cette semaine, Il y avait beaucoup d’animation sur les terrains du Tambo CEPA à Chuzekery. Pour clôturer la semaine de travail, on a accompli un sacrifice de lama pour la Pachamama, la Mère Terre. « L’eau est le sang de la Mère Terre. Pour l’obtenir et l’utiliser nous devons lui demander sa permission et la remercier», disait Eliodoro, membre de la direction de Jaraña, une organisation ‘campesina’ qui se dédie à la problématique de l’eau. Pendant toute la semaine, une vingtaine de personnes, hommes et femmes, ont suivi un cours à savoir comment construire des réservoirs d’eau. Avec comme conséquence, que CEPA possède maintenant un réservoir de 10.000 litres de plus, construit avec du ‘ferro-ciment’. La construction du réservoir de 12.000 litres avec une pompe fonctionnant à l’énergie solaire s’est terminée aussi aujourd’hui. Dès maintenant et aussi longtemps qu’il y aura du soleil, d’une façon permanente, on pompera 400 litres d’eau à l’heure. Nous sommes fin prêt à recevoir des visiteurs pour leur montrer comment nous pouvons traiter et utiliser l’eau.

  4. Et par hasard … trois autobus, avec des étudiants universitaires, passaient par-là. Don Angel leur montrait fièrement la production dans les serres. Ce sont de beaux moments pour moi quand je vois les gens des villages andins montrer aux gens de la ville, leur savoir-faire et leur richesse culturelle.
    Nous sommes retournés en ville avec des sacs et des petits paniers de légumes, dont plus de 10 kilos de tomates. La Mère Terre a été généreuse, au moins cette fois. Demain, dimanche, Doña Isabel ou Virginia, s’assoiront à terre, entre les femmes, sur la petite place du marché ‘Walter Khon’, pour vendre des légumes frais. Il ne manquera que le petit écriteau : « Légumes Écologiques Tambo CEPA Chuzekery ».

À vous toutes et tous, je souhaite encore un petit bout d’hiver, mais sans accidents.

Gilberto