Tuesday, December 22, 2009

Bolivia : la voix du peuple.

Bonjour tout le monde,

Avancer de presque dix pour cent après quatre années de gouvernance et obtenir 63 %; avoir plus de 50 pour cent dans six des neuf départements — à nulle part moins de 37 % — et même dans trois départements autour de 80 %; recevoir l’appui de 8 personnes sur 10 à La Paz et 4 sur 10 à Santa Cruz; gagner dans chaque département au moins deux, parfois trois ou quatre sénateurs de plus et ainsi s’assurer une majorité de 2/3, tout comme dans la chambre des députés, ...hé bien, Evo Morales ne pouvait espérer beaucoup mieux.
Qu’est-ce qui nous attend maintenant ? Voici dix points de vue …

1) Le nouveau gouvernement d’Evo Morales aura bientôt la pleine responsabilité de la gouvernance du pays. Jusqu’à date, on pouvait blâmer partiellement le sénat où l’opposition avait la majorité, pour tout ce qui allait de travers, car des centaines de projets de loi y furent bloqués. Mais plus maintenant.

2) L’opposition est divisée et n’offre pas d’alternatives. Apparemment, ce seront plutôt les organisations populaires et la société civile qui devront exercer un contrôle social et un renouvellement.

3) Au début d’avril, il y aura des élections départementales et municipales. Un processus de décentralisation (autonomie régionale) a été mis en marche et l’opposition essayera, à l’occasion, de mettre la main sur quelques directions régionales. Pour eux, le résultat des élections nationales ne laisse pas entrevoir un futur tout en rose. Ou bien réussiront-ils, cette fois, ici et là, à former un front unitaire ?

4) Maintenant que le MAS n’a plus un adversaire commun valable, les oppositions internes à l’intérieur du parti au pouvoir s’accentueront probablement davantage. Cela pourra arriver déjà avant les élections, lors des nominations, où on nommera ceux qui auront toute la certitude d’être élus. Jusqu’à date, l’autorité du président Evo, lors des nominations est restée encore intacte. Mais est-ce que cela va durer ? Un exemple : la célébration de la victoire électorale à Oruro a eu lieu à deux endroits différents et sans doute, une partie des gens sont restés chez eux pour éviter l’obligation de s’identifier à l’un ou l’autre camp.

5) Dans les discours post élections le mot « socialisme » fut prononcé plus souvent que « peuples autochtones ». Pourtant, le gros de l’appui d’Evo se trouve chez ces derniers. Les manières de voir d’une façon trop théorique les instances gouvernementales, ne collent pas auprès des groupes de base. Espère-t-on que l’idéologie ethnique va s’éteindre ? Cela pourrait être un calcul erroné car des changements socioculturelles accélérés ne signifient pas nécessairement une perte en identification ethnique. La modernisation ne mène pas automatiquement à un affaiblissement de l’affirmation ethnique. Parfois c’est le contraire. Quand on laisse dépérir des visions de vie, des mystiques traditionnelles et des coutumes, on retournera par la force des choses à une société avec plus de contrôle et des mesures coercitives. Le processus de changement pourrait bien ainsi perdre son caractère propre. Possiblement on s’en rendra compte, vu l’intérêt de l’extérieur pour ce ‘presidente-indio’.

6) Nous allons tout droit vers une participation grandissante à une société de consommation. Est-ce que l’État pourra continuer à satisfaire les besoins croissants ? S’il s’agit d’une consommation de la production propre, cela peut donner un coup de pouce à l’économie, mais quelles seront les conséquences s’il s’agit surtout de l’importation ?

7) Gouverner quatre ans a été pour beaucoup de gens, sans expérience dans ce genre de choses, un processus d’apprentissage. Réussira-t-on à réconcilier, d’une manière équilibrée, renouvellement et continuité ? On connaît maintenant les coups durs, les petites sorties et les chemins sinueux de la politique. Servira-t-il en bien ou en mal ?

8) Les réflexions ci-dessus me font conclure qu’Evo Morales est maintenant à son apogée. Peu à peu son rôle va diminuer et l’appui du peuple au processus en souffrira. Il a déjà dit qu’il ne se présentera plus comme candidat aux prochaines élections, dans cinq ans, même s’il peut le faire légalement. Le processus de changement continuera, mais dépendra beaucoup de trouver et préparer à temps, un remplaçant adéquat et accepté par beaucoup de gens. Est-ce qu’Evo court des dangers ? Peut-il soudainement disparaître ? Je pense que le danger pour un accident est plus réel que la probabilité d’un attentat. En prévision des élections d’avril, Evo voyage de nouveau, chaque jour, à plusieurs endroits au pays.

9) Et l’Église? Les élections à l’intérieur de la conférence épiscopale n’ont pas mené à des changements drastiques, même si plusieurs évêques, dans une couple d’années, atteindront l’âge limite de 75 ans. Cardinal Julio Terrazas (73) reste président. La direction de l’Église semble continuer à regretter la perte de pouvoir et partage la peur de l’Église mondiale sur un nombre de thèmes. Aujourd’hui, dans le programme radiophonique du groupe AMERINDIA, nous avons posé la question à savoir si l’Église n’a pas trop laissé en plan toutes les organisations et les personnes qu’elle même a créées et formées et qui continuent à s’engager d’une façon permanente, pour un ‘autre monde’, à l’intérieur de toutes sortes de structures sociales?

10) En prime. Aujourd’hui, Victor Hugo Vasquez nous rendait visite. Il est Aymara, originaire d’Orinoca, le village natal d’Evo; il est anthropologue de formation et participa à l’assemblée constituante. À CEPA, il a contribué à plusieurs projets de recherche, entre autre le marché campesino dans le quartier Kantuta. Je l’ai accompagné dans sa thèse sur la capture et le tondage des vicuñas. Il me racontait que ce fut surtout le cours que Marcos Van Rijckegem, Oblat et ingénieur agronome, avait donné aux anthropologues à l’université d’Oruro, qui l’avait mis sur le bon chemin. Depuis quelques mois, Victor est maintenant... vice-ministre pour le développement rural. Son plus grand défi pour le moment est la mise en place d’une assurance-production rurale contre la sécheresse, les inondations, le gel et la grêle. Mais beaucoup d’autres projets de production sont en chantier ainsi que des mesures contre les changements climatiques. Et ainsi, chaque jour il y a une ou autre indication que vraiment quelque chose est en train de changer pour le mieux en Bolivie. Dommage que nous ne puissions pas en faire davantage.

Avec des salutations cordiales,

Gilberto Pauwels,
Oruro – Bolivia.