Friday, November 2, 2007

Un remue-ménage.

Amigos,

Je rapportais chaque fois à plus tard l’écriture d’un «Griffonnages» car continuellement il y avait l’espoir d’une percée dans les discussions concernant la construction d’une nouvelle Bolivie. Comme cela n’a pas été possible, voici donc entre-temps un petit rapport.

1. L’Assemblée Constituante ne décolle pas. La ville de Sucre, où est situé uniquement le pouvoir juridique, veut devenir la capitale entière de la Bolivie. La Paz (appuyé par le gouvernement) ne veut pas perdre les pouvoirs législatifs et exécutifs. Finalement, comme solution, on a crée un quatrième pouvoir : le pouvoir électif, qu’on confierait à Sucre, avec la promesse en plus d’y construire un aéroport international et un chemin d’accès convenable. Mais Sucre tient le pied ferme. On accepte à peine que le déménagement, ou mieux dit, le retour des pouvoirs à Sucre, se fasse d’une façon graduelle. L’opposition a réussi à gonfler ce problème comme une condition sine qua non pour une nouvelle constitution. On annonce une fois de plus que la semaine prochaine sera définitive pour en arriver à une solution à ce sujet :
a. Ou bien on arrive à un compromis et dans quelques semaines l’on pourra présenter l’approbation d’une nouvelle Constitution pour la Bolivie
b. Ou bien on essaie de forcer le processus en formant une majorité aléatoire et on poursuit les travaux de l’assemblée à un autre endroit, puisque Sucre n’offre plus les garanties nécessaires. La première candidate en liste est la ville de …Oruro !
c. Ou bien, tout le travail tombe à l’eau et l’on recommence une autre fois, avec d’autres participants, après d’autres élections. Selon les façons de faire boliviennes, la première option a la meilleure chance de se réaliser, mais ce sera par la peau des dents.

2. Un deuxième grand problème plus susceptible de rencontrer une solution. Le gouvernement d’Evo Morales a présenté un projet de loi par lequel tous les Boliviens âgés de 60 ans et plus recevront une rente annuelle de 250 euros, nommée «Dignidad», Dignité (mais ce sera seulement la moitié de cette somme pour celui qui reçoit déjà une rente.) Ce surplus serait payé en partie par les revenus de la vente du gaz et par une partie de ce qui avait été promis auparavant aux préfectures, municipalités et universités. Naturellement il y a protestations de la part de ces organismes. Finalement on est arrivé à un accord en faisant écoper uniquement les préfectures. Par contre, six d’entre elles (dont Santa Cruz) continuent la protestation; trois (dont Oruro) sont aux mains du parti MAS. Ce projet de loi a des appuis populaires très larges. En effet, l’argent arrive directement dans les mains des gens. Que la redistribution des richesses du pays se réalise par une législation nationale et non par les administrations locales (la majorité en opposition) est en soi un bon coup politique. Le fait d’augmenter le pouvoir d’achat de la masse populaire donnera un coup de pousse à l’économie, pas pour des produits de luxe mais pour les produits et services de base.
Avec tout cela le gouvernement maintient sa popularité, même si les opposants essaient de présenter une autre image à l’extérieur. Aujourd’hui, le journal «La Razón» titrait que 62 % de la population approuve la politique du gouvernement d’Évo Morales. Les appuis n’ont jamais descendu plus bas que 57 % ou dépassé 66 %, mesurés dans les quatre plus grandes villes du pays. En campagne, les appuis sont sans doute plus hauts.

3. Au niveau local, nous avons eu des semaines bien occupées. Les plus belles expériences pour CEPA furent les «mesas de trabajo» (tables de travail) concernant l’industrie minière et l’environnement. Grâce au travail patient d’Emilio, Angela et Silvana, nous avons réussi et cela pour une première fois, à réunir autour d’une même table (ou tables), des communautés rurales organisées (30), plusieurs compagnies minières (des multinationales comme des compagnies d’État) et des dirigeants de paliers gouvernementaux (préfecture et ministres), pour discuter des solutions concernant la problématique environnementale. Il ne s’agissait pas uniquement du bassin de la rivière Desaguadero (la mine Inti Raymi) mais aussi du lac Uru Uru (la mine et les eaux usées de la ville d’Oruro) et surtout du lac Poopo (les mines de Huanuni, Poopó et Antequera). Le vice-ministre pour l’environnement et ses collaborateurs ont pris part activement aux discussions avec plus de cent participants. Il y a eu 48 accords, les uns plus concrets que d’autres. Il s’agit maintenant d’assister les campesinos dans leurs demandes de respecter les accords dans les faits.

4. Et ainsi il se passe quelque chose chaque jour. Hier, pour la huitième fois se déroulait dans les rues le Cortège Folklorique Universitaire, composé d’une cinquantaine de groupes de musiciens et de danseurs, comme au Carnaval, mais de façon un peu plus chaotique. Ce que les jeunes montrent maintenant en habillement, couleurs et sons, comme par exemple le drapeau wiphala, était, il y a à peine 40 ans, considéré comme inférieur parce qu’indien. La culture a devancé la politique. En effet, à Oruro, la plupart des étudiants sont originaires des villages miniers ou du campo.

5. Aujourd’hui dimanche, sur l’heure de midi, je suis allé à Chuzekery. À cet endroit, en marge de la ville, 25 jeunes plantaient des arbres. Notre intention est d’y faire croître une tache verte en contraste avec les trop nombreuses et grandes étendues grises et polluées autour de la ville. Quand je dis ‘notre’ je parle du Centre de Formation de CEPA ; de la Fondation pour un Parc Écologique Culturel «Chuzekery» et de la Fondation contre le Cancer d’Oruro sous la direction d’Edgard Franken.

6. Il y a à peine quelques heures, nous étions encore réunis : quelques personnes de CEPA, des gens du service de l’environnement de la préfecture et Luis Alberto Aguilar, le préfet. Naturellement, le travail concernant les « mesas de trabajo» fut abordé ainsi que les tâches qui en découlent. Une fois de plus, nous avons clarifié les objectifs de CEPA : renforcer les organisations populaires pour qu’elles puissent défendre leur droits et faire en sorte que le gouvernement se sente plus impliqué dans le cas de problèmes environnementaux. Le fait que, la semaine passée, la fabrique désuète de SAMCO, qui produit de l’acide sulfurique en plein milieu urbain, a été arrêtée définitivement, et que la minière Inti Raymi a reçu une réprimande pour avoir camouflé une fuite dans une de ses digues des bassins de rétention d’eau saline, indique que les dirigeants gouvernementaux actuels prennent la problématique environnementale au sérieux. C’est d’ailleurs le thème que le président Evo Morales a abordé devant les Nations Unies et l’approbation, dernièrement, de la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones constituent une base solide pour la conscientisation écologique des peuples andins.

Avec un salut printanier de la haute plaine d’Oruro.

Gilberto Pauwels.

(Note pour les lecteurs du Canada : la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones n’a malheureusement pas été approuvée par le Canada. Hugo P.)