Friday, November 2, 2007

Un remue-ménage.

Amigos,

Je rapportais chaque fois à plus tard l’écriture d’un «Griffonnages» car continuellement il y avait l’espoir d’une percée dans les discussions concernant la construction d’une nouvelle Bolivie. Comme cela n’a pas été possible, voici donc entre-temps un petit rapport.

1. L’Assemblée Constituante ne décolle pas. La ville de Sucre, où est situé uniquement le pouvoir juridique, veut devenir la capitale entière de la Bolivie. La Paz (appuyé par le gouvernement) ne veut pas perdre les pouvoirs législatifs et exécutifs. Finalement, comme solution, on a crée un quatrième pouvoir : le pouvoir électif, qu’on confierait à Sucre, avec la promesse en plus d’y construire un aéroport international et un chemin d’accès convenable. Mais Sucre tient le pied ferme. On accepte à peine que le déménagement, ou mieux dit, le retour des pouvoirs à Sucre, se fasse d’une façon graduelle. L’opposition a réussi à gonfler ce problème comme une condition sine qua non pour une nouvelle constitution. On annonce une fois de plus que la semaine prochaine sera définitive pour en arriver à une solution à ce sujet :
a. Ou bien on arrive à un compromis et dans quelques semaines l’on pourra présenter l’approbation d’une nouvelle Constitution pour la Bolivie
b. Ou bien on essaie de forcer le processus en formant une majorité aléatoire et on poursuit les travaux de l’assemblée à un autre endroit, puisque Sucre n’offre plus les garanties nécessaires. La première candidate en liste est la ville de …Oruro !
c. Ou bien, tout le travail tombe à l’eau et l’on recommence une autre fois, avec d’autres participants, après d’autres élections. Selon les façons de faire boliviennes, la première option a la meilleure chance de se réaliser, mais ce sera par la peau des dents.

2. Un deuxième grand problème plus susceptible de rencontrer une solution. Le gouvernement d’Evo Morales a présenté un projet de loi par lequel tous les Boliviens âgés de 60 ans et plus recevront une rente annuelle de 250 euros, nommée «Dignidad», Dignité (mais ce sera seulement la moitié de cette somme pour celui qui reçoit déjà une rente.) Ce surplus serait payé en partie par les revenus de la vente du gaz et par une partie de ce qui avait été promis auparavant aux préfectures, municipalités et universités. Naturellement il y a protestations de la part de ces organismes. Finalement on est arrivé à un accord en faisant écoper uniquement les préfectures. Par contre, six d’entre elles (dont Santa Cruz) continuent la protestation; trois (dont Oruro) sont aux mains du parti MAS. Ce projet de loi a des appuis populaires très larges. En effet, l’argent arrive directement dans les mains des gens. Que la redistribution des richesses du pays se réalise par une législation nationale et non par les administrations locales (la majorité en opposition) est en soi un bon coup politique. Le fait d’augmenter le pouvoir d’achat de la masse populaire donnera un coup de pousse à l’économie, pas pour des produits de luxe mais pour les produits et services de base.
Avec tout cela le gouvernement maintient sa popularité, même si les opposants essaient de présenter une autre image à l’extérieur. Aujourd’hui, le journal «La Razón» titrait que 62 % de la population approuve la politique du gouvernement d’Évo Morales. Les appuis n’ont jamais descendu plus bas que 57 % ou dépassé 66 %, mesurés dans les quatre plus grandes villes du pays. En campagne, les appuis sont sans doute plus hauts.

3. Au niveau local, nous avons eu des semaines bien occupées. Les plus belles expériences pour CEPA furent les «mesas de trabajo» (tables de travail) concernant l’industrie minière et l’environnement. Grâce au travail patient d’Emilio, Angela et Silvana, nous avons réussi et cela pour une première fois, à réunir autour d’une même table (ou tables), des communautés rurales organisées (30), plusieurs compagnies minières (des multinationales comme des compagnies d’État) et des dirigeants de paliers gouvernementaux (préfecture et ministres), pour discuter des solutions concernant la problématique environnementale. Il ne s’agissait pas uniquement du bassin de la rivière Desaguadero (la mine Inti Raymi) mais aussi du lac Uru Uru (la mine et les eaux usées de la ville d’Oruro) et surtout du lac Poopo (les mines de Huanuni, Poopó et Antequera). Le vice-ministre pour l’environnement et ses collaborateurs ont pris part activement aux discussions avec plus de cent participants. Il y a eu 48 accords, les uns plus concrets que d’autres. Il s’agit maintenant d’assister les campesinos dans leurs demandes de respecter les accords dans les faits.

4. Et ainsi il se passe quelque chose chaque jour. Hier, pour la huitième fois se déroulait dans les rues le Cortège Folklorique Universitaire, composé d’une cinquantaine de groupes de musiciens et de danseurs, comme au Carnaval, mais de façon un peu plus chaotique. Ce que les jeunes montrent maintenant en habillement, couleurs et sons, comme par exemple le drapeau wiphala, était, il y a à peine 40 ans, considéré comme inférieur parce qu’indien. La culture a devancé la politique. En effet, à Oruro, la plupart des étudiants sont originaires des villages miniers ou du campo.

5. Aujourd’hui dimanche, sur l’heure de midi, je suis allé à Chuzekery. À cet endroit, en marge de la ville, 25 jeunes plantaient des arbres. Notre intention est d’y faire croître une tache verte en contraste avec les trop nombreuses et grandes étendues grises et polluées autour de la ville. Quand je dis ‘notre’ je parle du Centre de Formation de CEPA ; de la Fondation pour un Parc Écologique Culturel «Chuzekery» et de la Fondation contre le Cancer d’Oruro sous la direction d’Edgard Franken.

6. Il y a à peine quelques heures, nous étions encore réunis : quelques personnes de CEPA, des gens du service de l’environnement de la préfecture et Luis Alberto Aguilar, le préfet. Naturellement, le travail concernant les « mesas de trabajo» fut abordé ainsi que les tâches qui en découlent. Une fois de plus, nous avons clarifié les objectifs de CEPA : renforcer les organisations populaires pour qu’elles puissent défendre leur droits et faire en sorte que le gouvernement se sente plus impliqué dans le cas de problèmes environnementaux. Le fait que, la semaine passée, la fabrique désuète de SAMCO, qui produit de l’acide sulfurique en plein milieu urbain, a été arrêtée définitivement, et que la minière Inti Raymi a reçu une réprimande pour avoir camouflé une fuite dans une de ses digues des bassins de rétention d’eau saline, indique que les dirigeants gouvernementaux actuels prennent la problématique environnementale au sérieux. C’est d’ailleurs le thème que le président Evo Morales a abordé devant les Nations Unies et l’approbation, dernièrement, de la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones constituent une base solide pour la conscientisation écologique des peuples andins.

Avec un salut printanier de la haute plaine d’Oruro.

Gilberto Pauwels.

(Note pour les lecteurs du Canada : la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones n’a malheureusement pas été approuvée par le Canada. Hugo P.)

Friday, September 14, 2007

Maux de croissance.

Bonjour tout le monde,

On présage un été pluvieux sur l’altiplano. Déjà nous avons eu du temps couvert ainsi que les premières pluies.

1. Il y a quelques mois, nous avons écrit (Griffonnages # 159) : « La révision de la constitution nous mènera, dans les prochaines semaines, à une recrudescence des tensions. » Voilà ! nous y sommes. La révision a même été suspendue pour un mois afin d’éviter des confrontations violentes. L’enjeu est grand. En effet, il s’agit d’une réforme de l’état sur la base des ‘nations’ comme nous avons connu et …connaissons encore en Belgique et au Canada. Céder prestige, pouvoir et revenus ne se fait généralement pas de bon gré. Pour cette raison, à court, à moyen et à long terme, il y a des coins qui s’enfoncent dans la solidarité sociale, en apparence, inébranlable.

2. À court terme, l’opposition a vu la chance de semer la division entre les régions. La capitale de la Bolivie est Sucre, mais seulement le pouvoir juridique y est établi. Le pouvoir législatif et exécutif est La Paz. En 1899, il y a même eu une guerre civile fédérale pour cette cause. Maintenant ce vieux conflit a été de nouveau attisé et, impulsé par les régions orientales du pays, à Sucre, on a occupé les rues pour revendiquer que cette ville devienne la capitale administrative entière du pays. Toutefois hier, à Sucre, un Sommet Social de groupes ethniques et sociaux s’est déroulé dans le but d’éviter le boycott de la révision de la constitution, causé par ce problème spécifique concernant la capitale. On a maintenant un mois pour en arriver à une entente au niveau national …

3. Par contre, à moyen terme, on pense déjà aux prochaines élections une fois l’approbation d’une nouvelle constitution ou la fin du mandat d’Evo Morales. Est-ce qu’il pourra se représenter pour un nouveau mandat ? Cela aussi est un point de discussion à l’Assemblée Constituante. Tout annonce que les prochaines élections deviendront ‘une lutte entre Indios’; il sera difficile d’éviter ce scénario. À gauche et à droite il y a des candidats qui se bousculent au portillon ou qui sont poussés à l’avant. Par exemple, un de la droite qui fait parler de lui, est Victor Cárdenas, ancien vice-président pendant le premier gouvernement de Sánchez de Lozada. (MNR.)

4. Parfois, ici et là, on menace de, ou on fait des mises en garde contre une guerre civile ou un coup d’état. C’est le plus souvent dans le but de causer des préjudices à l’image du gouvernement d’Evo sur le plan international, mais aussi d’un autre côté, pour créer un front commun contre un soi-disant complot au niveau national (entre nations ethniques )

5. Entre-temps, à CEPA (Centre pour Écologie et Peuples Andins), le travail se poursuit comme d’habitude. Il est surprenant que depuis un certain temps, nous ne fassions finalement plus rien de notre propre initiative. Comme jamais, ces dernières semaines, j’ai signé des ententes avec des groupes ethno-culturels, des organisations populaires, des directions locales et régionales, des établissements scolaires, des réseaux nationaux, … Trente étudiants finissants suivaient des cours pour un extra-diplôme sur ‘l’inter culturalisme et le développement durable’ grâce à une entente entre CEPA et l’université avec une bourse de l’ambassade belge. Presque chaque jour il y a des contacts avec la préfecture et les ministères pour des problèmes environnementaux (oui, encore avec les mines aurifères d’Inti Raymi et l’entreprise chimique SAMCO.) Floor et Nike, de l’université de Gand (éco-chimie), ramassent chaque jour des échantillons de terrain et Johan (qui a étudié à Louvain) compile des données archéologiques. Nike et Floor ont passé une nuit dans l’auto, ‘plantado’ dans la pampa, pendant que Johan et Veerle (une volontaire de Broederlijk Delen qui travaille ‘en el Norte Potosi’) se trouvaient sur le sommet du Sajama, à 6572 m. : des Flamands dans le froid. À Chuzekery, Don Angel est en train de semer et de planter ; Don Germán, lui, ‘plante’ des poubelles dans les rues d’Orinoca, Andamarca et Machacamarca. Nous continuons à croire aux livres; en effet, plusieurs nouveaux volumes ont été inscrits à la bibliothèque. Alicia réussi à intensifier notre présence sur le www-net.

Tout devient différent, et pourtant …rien de nouveau sous le soleil. Une fois encore, le printemps s’annonce.

Gilberto Pauwels.

Friday, August 10, 2007

Des temps nouveaux.

Bonjour tout le monde,

‘‘ Nous ne sommes pas pauvres. Nous avons une culture riche et nous possédons des ressources naturelles inépuisables. Seulement, jamais on nous a laissé gouverner.’’ C’était la réponse d’une autorité aymara suite à un discours de l’ambassadeur des États Unis, il y a quelques jours. La Bolivie vie des temps nouveaux et on préfère parler de dignité et de droits plutôt que de parler d’un aigu manque de pouvoir d’achat ou d’opportunité de travail.

1. Aujourd’hui (6 août), c’est la fête nationale et la nouvelle constitution n’est pas prête. On a donc élaboré un nouvel échéancier qui prévoit deux référendums, un pour décider des points en litige et un deuxième pour l’approbation définitive du texte. Cela signifie qu’il y a encore des mois de travail. Pour obtenir cette prolongation, le parti MAS d’Evo Morales a dû faire beaucoup de concessions à l’opposition, au point que les organisations autochtones les plus importantes (CONAMAQ de l’altiplano et CIDOB des régions tropicales) se questionnent sur leur appui inconditionnel. Il semble que le MAS commence à être coincé dans une position de centre, entre une opposition grandissante (par la classe moyenne) et un front ethnique culturel (regroupant un ‘Bloque Patriótico’ avec, entre autres, Félix Cárdenas). La question est de savoir quel jeu jouera-t-on dans le champ central et où se feront les buts ? De plus : comment respecter les règles du jeu pendant qu’on élabore des nouvelles normes (une nouvelle constitution) pour le futur ?

2. Sur le document de la 5e assemblée des évêques de l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale à Aparecida (Brésil) on n’a pas tenu de référendum ou quelque chose de semblable. Le Vatican s’est chargé de le peser et soupeser, de l’aplanir et de le rendre public. Je me limite à quelques réflexions personnelles.
a. Comparé aux réunions précédentes (Medellin, Puebla, Santa Domingo), l’intérêt publique a été plutôt pauvre. Il y a eu peu d’effet, tant au niveau international qu’à la base,
b. La vision trop positive du pape sur la Conquista et la vision trop négative du cardinal Julio Terrazas sur le processus d’émancipation en Bolivie ont été ressenties ici comme un mauvais départ, bien que par après quelques nuances furent apportées.
c. Le plus gros de l’attention est allé à la théologie de la libération à savoir qu’arrivera-t-il avec l’option pour les pauvres, avec la méthode ‘voir, juger, agir’, et avec les communautés de base de l’Église. Tout cela n’a pas été publiquement condamné; leurs représentants pouvaient même, jusqu’à un certain point, collaborer, mais le rejet subi, pendant des années, par les autorités, les a placés comme cible d’attaques aux groupes traditionnels de pouvoir. Les théologiens étaient repoussés en position défensive. Par la suite peu d’idées ont alimenté la réflexion. Leur renouveau intérieur est resté limité, tant sur le plan du contenu que sur le plan des personnes.
d. Par contre ce qui est explicitement présent dans le document final est la défense des droits écologiques et ethno-culturels, mais cela en tant que tâches secondaires. Les analyses antérieures ont été complétées; il n’y a pas eu de travail sur une nouvelle vision intégrale avec comme point de départ la diversité naturelle et culturelle.
e. Selon la journaliste Barbara Fraser (Catholic News Service- www.catholic.org ) ceux qui oeuvrent dans l’Église pour l’environnement ‘recevront des munitions pour le combat’. Elle mentionne à ce sujet les évêques Erwin Krautler (Brésil), Pedro Berreto (Pérou) et Alvaro Ramazzini (Guatemala) ainsi qu’en tant qu’organisation, le ‘Centro de Ecología y Pueblos Andinos’(CEPA – Oruro). C’est un peu trop d’honneur; il y a beaucoup d’autres organisations cléricales qui ont fait beaucoup plus dans la lutte pour une justice environnementale. Quoi qu’il en soit, on ne peut plus ignorer cette thématique dans la société et la religion.
f. La réunion d’Aparecida, annonce-t-elle une nouvelle ère ? Il y a eu un temps que l’Église pensait qu’il fallait s’appuyer sur les riches pour pouvoir aider les pauvres. Par la suite s’ajouta ‘ l’option pour les pauvres’ avec l’intention d’appuyer dans leur propre dynamique, ceux qui de moins en moins voulaient être étiquetés comme pauvres. Maintenant, quand nous voyons ce qui se passe, nous remarquons que nous mettons le cap sur une Église qui devient plus pauvre, même si cela n’est pas encore considéré comme un fait et encore moins comme une option par les évêques. La question est de savoir si, dans la réalité, elle voudra et pourra devenir l’Église des pauvres ?
g. Vendredi dernier, CEPA a été décoré par le gouvernement local (la préfecture) — par hasard en présence de l’ambassadeur des États Unis — pour notre contribution au progrès du département. Il faut croire que les critères changent. La préoccupation pour l’environnement et la percée des peuples andins (traditionnellement considérés comme une menace et un frein pour le développement) sont confirmés comme ‘progreso’. Voilà une preuve de plus que des temps nouveaux commencent à poindre.

D’une Bolivie qui festoie mais qui n’est pas sans inquiétudes.

Gilberto Pauwels.

Thursday, August 2, 2007

Alarme inflationniste.

Amigos todos,

Comment se fait-il que le gouvernement populaire d’Evo Morales doit affronter continuellement des grèves ou des blocages de routes ?

1- La réponse à cette question n’est pas simple. Examinons quelques éléments :

a. Depuis longtemps, en Bolivie, le syndicalisme a des petits traits politiques et la politique bolivienne se caractérise par des tournures syndicales. Des droits sont arrachés de force, et des besoins se font connaîtrent par les masses.

b. Le fait que le gouvernement actuel s’appuie sur les organisations populaires renforce cette tendance. À leur tour, ces organisations, spontanément, utilisent leurs moyens de pression.

c. L’opinion publique est au courant qu’actuellement il y a plus de moyens financiers disponibles grâce aux exportations et aux programmes de solidarité. Avec une tarte plus grande, tout le monde veut une pointe plus grande. Cette répartition occasionne des tensions (mais moins qu’avec un budget réduit).

d. À cause de la globalisation, l’offre de la consommation a augmenté beaucoup. On aspire aux choses de dernier cri et beaucoup de gens sont prêts à aller très loin pour les obtenir, même aux dépens des autres.

e. L’opposition, qui contrôle la majorité des médias de communication, attise le mécontentement et en met plein la vue dans la divulgation de toutes les protestations.

f. Ce sont les communautés rurales autochtones qui ont l’arme le plus important : les blocages massifs des chemins. Le gouvernement d’Evo montre une option de préférence pour ces organisations et peut donc compter sur leur appui. Des actions de protestation pour des problèmes locaux et par des groupes sociaux limités sont plus faciles à neutraliser.

g. À vrai dire, cela signifie que pour le régime actuel, il n’y a pas d’autre alternative, aussi longtemps que les organisations ethniques culturelles restent unies pour lui témoigner leur appui. Toute forme d’atteinte à cet appui aura comme conséquence de paralyser le pays et de le rendre ingouvernable. Cela, l’opposition autant que le gouvernement le savent.

h. Au cours des prochaines semaines, le renouvellement de la constitution produira une augmentation des tensions. Chaque groupe social ou chaque région veut sauvegarder ses droits. Sur ce point, deux modèles d’état difficilement réconciliables s’opposent l’une à l’autre : le ‘traditionnel’ (de l’opposition) et le modèle ethnique culturel (du parti MAS et ses alliés). L’opposition (PODEMOS) veut arriver à un choix via un référendum entre les deux modèles. La majorité (MAS) se dirige par référendum à un choix mais seulement sur des aspects partiels, une fois adopté leur modèle comme base.

i. Dernièrement, il y a eu la rumeur d’une alarme inflationniste. Cela confirme que l’opposition accepte qu’effectivement plus d’argent circule dans les couches populaires, mais elle attribue ce fait à la contrebande et à la drogue. Le gouvernement explique ce ‘succès’ par les augmentations des revenus dues à l’exportation ainsi qu’aux contributions des émigrants (las remesas). Il y a des augmentations de prix mais le gouvernement affirme avoir tout sous contrôle, malgré les rumeurs de ses adversaires indiquant une accélération de l’inflation. La valeur du dollar continue à baisser vis-à vis la monnaie locale, le boliviano (maintenant à 7,91 Bs.)

2. Au Centre pour l’Écologie et Peuples Andins (CEPA), chacune des quatre divisions vient de passer une période très occupée. La division ‘Formation’ organisait un cours sur l’usage des langues autochtones dans l’enseignement. On comptait sur la participation d’une trentaine de personnes. La semaine passée nous avons clôturé une deuxième session du même cours. Au total, ont participé 70 enseignants. La langue aymara et quechua ont la cote et plusieurs linguistes (de l’étranger) étudient, avec l’appui de CEPA, la langue chipaya.

3. La division ‘Information’ : la (petite) salle de lecture de la bibliothèque est régulièrement pleine à craquer. Il n’est pas seulement question de rendre accessible l’information existante, mais de procurer aussi de nouvelles connaissances via la recherche. Le programme de recherche de PIEB sur la vie sociale et interculturelle dans les villes vient d’approuver deux projets pour Oruro. Le premier examinera la répartition des budgets du gouvernement dans les quartiers de la ville. La deuxième étude se déroulera parmi les étudiants du niveau secondaire dans le but de savoir jusqu’où les étudiants sont prêts à aller pour participer aux attraits d’une société de consommation (criminalité juvénile, prostitution) ? D’ici peu, un autre projet de recherche sera lancé sur l’impact que l’émigration vers d’autres pays pourrait avoir sur les communautés d’où les gens sont partis.

4. La division ‘Environnement’ a réussi à organiser une ronde d’inspection de six jours dans les ‘régions problèmes’ avec les membres des communautés affectées, accompagnés des représentants du service environnemental de la préfecture ainsi que des représentants de trois ministères (environnement, eau et mines). Une fois les rapports disponibles, viendra le plus important : accompagner la ‘Coordinadora’ de ces communautés (CORIDUP) dans la recherche de solutions durables.

5. Division ‘Culture’. Il y a quelques jours, à Challacollo, on a inauguré la ‘Casa de Cultura’ avec des activités pour jeunes (dessins) et moins jeunes (histoires). Evo Morales s’est rendu à Turco fêter le cinquantième anniversaire de la fondation de la municipalité de Turco mais l’inauguration de la ‘Casa de Cultura’ n’était pas au programme. En effet, le ‘Colegio Canada’ a été démoli (dommage) pour reconstruire un nouveau au même endroit et de ce fait ‘La Casa de Cultura’ a été démantelée pour servir de petite salle d’ordinateurs ainsi que salle de classe temporaire. Pour tous les Centres Culturels que nous voulons organiser, il y a de bonnes perspectives concernant l’archéologie, non seulement pour contribuer à la conservation et la valorisation des endroits ressources et des objets, mais aussi à la restructuration territoriale du département en ‘suyus’ (Carangas, Soras, Quillacas, Urus) sur la base de données historiques palpables.

Avec un salut cordial d’une ville d’Oruro froide et nuageuse.

Gilberto.

Tuesday, June 26, 2007

Jour de l'An

Bonjour tout le monde,

Jour de l’An pour les peuples andins. Feux de la St-Jean. Solstice. Des pétards et des feux d’artifices font en sorte que ce n’est pas une nuit comme les autres. Le soleil s’est affaibli et on veut le réanimer avec des feux pour qu’il puisse recommencer un nouveau cycle.

1. Ce qui est nouveau pour la Bolivie, c’est surtout la constitution qui est en pleine élaboration, même si cela va prendre un peu plus de temps que prévu. Le parti au pouvoir a réussi à garder le contrôle dans la création des structures et des normes pour la nouvelle Bolivie. Avec des coups politiques habiles, sans passer outre aux règles du jeu de l’Assemblée Constituante, on a réussi, par exemple, dans la commission sur la ‘Vision du pays’ (sous la direction de Felix Cárdenas), à refléter autant la version de la majorité comme celle de la minorité, et de mettre ainsi l’opposition ‘hors jeu’. Les départements de l’Orient (la Media Luna), se braquent et il n’est pas encore clair la façon dont le tout va évoluer.
La Bolivie, deviendra-t-elle un état décentralisé avec une autonomie seulement au niveau départemental ? Ou va-t-on tenir compte, en outre, des communautés culturelles ? Dans les différents départements, sur lesquelles des ressources auront-ils des pouvoirs ? C’est de cette problématique - assez familière pour nous, Flamands et pour vous, Canadiens - qu’il s’agit maintenant. La vision ethnique et culturelle du gouvernement du président indien Evo Morales se heurte à la résistance.

2. Ces derniers jours, ici à Oruro, nous étions surtout occupés avec la problématique environnementale. Lors de la ‘Journée mondiale de l’Environnement’, nous avons réussi à réunir 40 journalistes ainsi que 90 personnes impliquées dans la cause environnementale pour scruter à la loupe la problématique régionale concrète.
Cette semaine aussi a eu lieu la Foire de la Biodiversité et Cultures andines. Pour la première fois, ce n’était plus seulement une initiative de CEPA. Maintenant, à chaque année, la préfecture ainsi que d’autres organisations offriront leur collaboration à l’organisation de cette réunion des jeunes. Cette année, pendant deux jours, 16 collèges secondaires des villages du ‘campo’ ont participé, avec 25 représentants chacun. Comme thème central nous avions choisi le 'Soleil'. Les ‘Enfants du Soleil’ (du Royaume Inca) ont bien le droit de commémorer ’l’Année Internationale du Soleil’! Du même coup, la thématique ‘Écologie et Peuples Andins’ a été institutionnalisée à Oruro. En tant que CEPA, que pouvions-nous espérer de mieux ?

3. Durant cette concentration de jeunes, - et pendant que le président Evo Morales se trouvait en réunion avec 34 maires quelque part en ville pour décider de la façon d’utiliser les presque deux millions de dollars que le Venezuela a mis à la disposition d’Oruro - se déroulait une rencontre à l’université de quelques centaines de représentants des quatre ‘suyus’ (Carangas, Suras, Quillacas et Urus) pour échanger sur le plan de développement 2007-2008. Le désir de vouloir toucher à tout me paraît plus grand que les possibilités techniques possibles.
Le plan est coulé dans le moule des Andes, de la Chacana (la Croix des Andes ou la Croix du Sud), avec l’intention d’en arriver à la Suma Qamaña (Bonne Vie), grâce à un Pachacuti (retour d’une Nouvelle Ère).

4. Entre-temps, le plan a grossi d’un document de plus de 300 pages et s’est avec fierté que le préfet, Luis Alberto Aguilar, nous l’a présenté lors d’une rencontre à notre maison avec quelques gens ‘d’antan’. Dans le passé, nous nous rencontrions de la même façon aux moments où il fallait défendre les droits humains, ou pour résister à la répression, ou pour des projets en faveur des mineurs congédiés ou des communautés rurales, ou quand nous rêvions pour un développement libérateur.
Aujourd’hui, quelques-uns d’entre eux portent la responsabilité directe de ce plan, avec plusieurs volontaires et chercheurs de CEPA comme collaborateurs.
Pancho et Clemente ont refroidi l’enthousiasme de Luis Alberto avec des témoignages concrets d’un manque «d’émotivité révolutionnaire» parmi les travailleurs de la fonderie d’étain de Vinto, pour lesquels ils portent maintenant la responsabilité.
Guillermo Dalence, le gérant de la COMIBOL (la mine d’état), ne cache pas sa confiance en Evo Morales, parce qu’il prône le contrôle sur les richesses naturelles et aussi parce qu’il peut compter sur l’appui d’une large base d’autochtones qu’il représente.
Personnellement, je base ma confiance sur le fait que le processus d’émancipation est imparable, indépendamment de certaines personnalités. Mais ce processus peut connaître des hauts et des bas, des régressions et des violences. Le degré de collaboration (interculturelle) de la classe moyenne peut faire pencher la balance.

De la nuit hivernale d’une ville pleine d’explosions, de feux d’artifices et d’éclats, de musique et de danses, d’alcool et de saucisses, de fumée et d’odeurs de brûlé. …je vous souhaite un été ensoleillé.

Gilberto.

Tuesday, May 29, 2007

Les règles du jeu.

Un bonjour à chacun(e),

L’hiver est finalement arrivé (- 9 C° la nuit). Le ciel est couvert mais pas de neige en vue, même si cela est possible à la Pentecôtes. Car aujourd’hui c’est «l‘Espiritu» et dans les villages on fête la ‘croix verte’ agraire.

1- Sur le plan social le gouvernement d’Evo Morales réussit à éteindre les plus grands foyers de troubles, mais il y a toujours des conflits à quelque part, où on veut exiger une réponse immédiate via des blocages de routes ou des manifestations. C’est surtout entre le gouvernement et le pouvoir juridique que la tension est grande à propos des nominations.
Le plus grand succès récent est sans doute la ‘nationalisation’ ou le rachat de deux raffineries de pétrole de Petrobras (Brésil) au prix de vente d’il y a quelques années. Cela signifie une augmentation immédiate des revenus de l’état. Par contre, sur le plan de la réorganisation de l’industrie minière, il y a eu peu de progrès. Néanmoins, que l’ex-ministre de l’industrie minière, Guillermo Dalence, ait été récupéré et nommé gérant de la COMIBOL à Oruro, fut reçu ici positivement.
Concernant la nouvelle constitution, personne ne croit plus à son aboutissement pour la date de la fête nationale (6 août). Le parti au pouvoir (MAS) veut bien accélérer les choses mais l’opposition a le pied sur le frein. Les engueulades et chamailleries apparentes cachent souvent une stratégie beaucoup plus subtile pour freiner l’autre. Ce sur quoi on est en accord, c’est que les textes de lois doivent refléter la diversité culturelle de la Bolivie. Chacun veut établir de nouvelles règles du jeu mais entre-temps on doit continuer à fonctionner avec les anciennes.

2- Il y a plus de deux ans qu’on discute sur les modalités de l’enquête concernant les conséquences pour l’environnement de l’exploitation minière d’Inti Raymi. Maintenant on est proche d’un accord, mais à plusieurs reprises déjà, la compagnie a demandé un délai pour la signature définitive du contrat. Le fait que les actionnaires de la multinationale Newmont (USA; propriétaire d’Inti Raymi), lors de leur assemblée annuelle, ont demandé une enquête sur la façon dont la compagnie se comporte, avec les communautés locales partout dans le monde, dans ses exploitations minières, (pollution, responsabilités sociales, respect de la culture, …), est sans doute un appui pour les communautés plaignantes d’ici.

3- En tan que CEPA, ce n’est pas le seul conflit environnemental qui nous préoccupe. La compagnie chimique SAMCO — dans notre rue — recevra probablement, malgré toutes les protestations des habitants avoisinants, la permission de reprendre la production d’acide sulfurique. La semaine passée, les gens ont bloqué les rues en guise de protestation.
Une fois de plus, les fermiers de Challapata ont fait comprendre, avec une manifestation, qu’ils s’opposent à une exploitation aurifère dans leur région.
Les propriétaires d’une exploitation minière proche du village de Poopó, sont venu nous demander de l’aide dans le but de convaincre les ‘campesinos’ de leur donner la permission d’exploiter une mine d’argent-plomb-zinc. Ils avaient déjà entrepris sur place une visite d’inspection, conjointement avec la population. Il s’agit de la colline d’où provient l’eau potable du village de Poopó … Un journaliste est venu me porter des informations sur deux compagnies qui polluent la ville d’Oruro. Une d’elle a été expulsée d’El Alto (La Paz), après qu’on eut constaté une intoxication au plomb chez les enfants dans le voisinage de la mine …
Il est impossible pour nous de surveiller tout. Il s’agit surtout de contribuer à ce que les gens, non seulement connaissent les lois (règles du jeu), mais aussi que celles-ci soient respectées et de préférence, améliorées en même temps.

4- Un fait remarquable : cette semaine, à Chipaya, on a remis les documents de personnalité civile à la nation Uru. Elle est constituée de trois groupes : les Chipayas, les Muratos (à Oruro) et les Iruitos (à La Paz). Au cours des dernières années, ils ont maintenu des contacts réguliers entre eux et maintenant cette union a été ratifiée officiellement. En tant que CEPA, nous les aidons à conserver leur identité propre ainsi que le lien avec leurs ancêtres en créant des ‘casas de cultura’ dans les villages (Chipaya, Ayparavi et Llapallapani). Pour Johan Claeys (de Nieuwpoort, Flandre), c’était un premier contact avec les Chipayas. En tant que bénévole de Broederlijk Delen et anthropologue, il vient collaborer pour quelques mois, dans le but d’acquérir une meilleure connaissance sur le lointain passé d’Oruro. Sans doute, cela mènera à la conclusion que les Urus — actuellement, le groupe ethnique le plus petit, le plus pauvre et le plus exclu — ont eu un apport beaucoup plus grand et important dans l’histoire d’Oruro. Il s’agit d’un fait, que jusqu’à date, l’on n’était pas prêt à accepter

À vous tous, une petite «langue de feu» chauffante de Pentecôtes.

Gilberto

Wednesday, May 2, 2007

'Griffonnages portes-ouvertes'

Amigos nuestros,

Pour faire changement, voici un ‘Griffonnages portes-ouvertes’ sur les faits et gestes de quelques personnes à CEPA (Centre pour l’Écologie et Peuples Andins). Mais d’abord un petit coup d’oeil sur un pays sous pression.

1- Ce n’est pas de tout repos de gouverner avec les organisations populaires. Deux des plus grands groupes au niveau national sont actuellement mobilisés pour extorquer des concessions : l’enseignement et la santé.
À nouveau, les mineurs s’opposent aux membres des coopératives minières. Cinquante autobus remplis de mineurs partaient hier de Huanuni à Sucre pour empêcher à nouveau l’entrée des coopératives dans leur centre minier.
Des milliers de gens qui vivent de l’importation et la vente des vêtements usagés font face à des milliers d’autres qui veulent vivre de la production du textile. En effet, le gouvernement a défendu l’importation des vêtements usagés pour protéger l’industrie nationale.
Des personnes avec un handicap physique occupent les rues pour obtenir une allocation de l’État. Même de temps en temps on bloque les chemins et les routes nationales pour des revendications très locales. Mais malgré tout, le train est en marche : le processus enclenché d’émancipation est irréversible.

2- « Le vice-ministre pour l’environnement semble être un employé de CEPA. » : c’est ce qu’on ont fait paraître, dans le journal local, il y a de ça quelques jours, les mineurs de la mine aurifère Inti Raymi. Ils n’ont pas du tout aimé que le ministère ait donné raison aux communautés rurales, dirigées par EMILIO. En effet, quelque chose ne marche pas avec l’audit environnemental qui doit mesurer les dommages causés par les activités minières à leurs terres et à l’eau. Ensemble, une nouvelle proposition a été élaborée. La seule entre les parties concernées qui refuse maintenant de signer est …Inti Raymi, car dans les faits, ils perdent le contrôle sur l’enquête qui doit les contrôler.
Par l’intermédiaire de CEPA, EMILIO et ANGELA ont réussi à regrouper les communautés autochtones qui vivent autour du lac Uru et Poopó ainsi que dans le bassin de la rivière Desaguadero, dans une ‘coordinadora’ pour défendre ensemble leurs droits (CORIDUP). Cela est ressorti encore hier, dans un séminaire régional à l’université sur le futur de l’exploitation minière à Oruro. Les communautés agraires et CEPA étaient les seuls qui ont mis sur le tapis la problématique environnementale.

3- La semaine passée, pour la première fois, MARCELO a réuni les responsables des ‘casas de cultura’ (centres culturels), qui, entre-temps, ont été organisés dans sept villages andins. Cela devient tout un défi de les faire marcher avec toutes sortes d’activités. En même temps, il a lancé un concours pour des étudiants en anthropologie au sujet de ce que nous appelons « la migración pendular », le continuel va-et-vient entre le village et la ville ou ailleurs. Pour les élèves des écoles secondaires le concours est organisé sur l’histoire de leur quartier ou village.
Mais l’activité la plus importante de Marcelo sera probablement un cours du soir et de fin de semaine sur ‘l’inter culturalité et le développement durable’ à l’intention d’une trentaine de chercheurs sociaux. L’université fournira un diplôme et aujourd’hui nous recevions l’annonce officielle que l’ambassade de Belgique va coopérer dans les frais.

4- GERMAN n’est pas à ses premiers d’essais. La collecte municipale des ordures sera organisée dans plus de villages, entre autres, à Orinoca, le village natal d’Evo Morales. Actuellement, la première préoccupation de German consiste à organiser la dixième ‘Foire de la Biodiversité’, où les élèves des collèges ruraux viennent exposer en ville leurs richesses culturelles et écologiques. Cette année, la préfecture participe aussi, mais la mairie s’est désistée, car quelques personnes sur place trouvaient que la foire était un peu trop ‘originario’ (indien). Par contre LIDEMA et Pastorale Sociale-Caritas seront de la partie.
LIDEMA (Ligue pour la défense de l’environnement) est un réseau d’organisations environnementales. La semaine passée j’ai assisté à la réunion annuelle à Sucre pour y présenter la demande de CEPA de devenir membre. C’est un plaisir aussi de voir German qui pense déjà à l’année prochaine. En effet, 2008 sera l’année de la pomme de terre. Samedi prochain, il achètera à la grande foire annuelle toutes les variétés possibles de la pomme de terre. L’intention est de les planter pour obtenir du matériel d’exposition l’an prochain, ainsi que de l’étoffer avec quelques études techniques comparatives concernant la production etc.

5- Alicia s’est lancée dans l’éducation environnementale. Samedi prochain se terminera un cours de fins de semaine pour 30 professeurs sur l’enseignement environnemental, et sur ces entrefaites, un cours semblable a débuté pour le corps professoral au complet d’une école secondaire. La conséquence de tout cela est que notre centre de formation à Chuzekery reçoit régulièrement la visite de classes. Et là c’est la responsabilité de LIMBERT qui entre en jeu. Il est originaire du village aymara de Corque, étudiait la pédagogie à Cochabamba, s’est trouvé sans travail et juste à temps nous avons pu éviter qu’il émigre, par la force des choses, à Tarija.

6- Par contre, ELY part pour La Paz. Pendant huit ans, elle a mis de l’enthousiasme et du contenu dans CEPA. Elle demeure une collaboratrice externe (comme SANDRA et RICARDO) et va étudier …la théologie, même la théologie protestante, mais cela dans l’option de la justice et du patrimoine culturel. EVA pour sa part continuera les activités avec les femmes bergères du bassin de la rivière Desaguadero, un groupe social de personnes démunies qui en plus doivent faire face à des problèmes de contamination environnementale. BEATRIZ, anthropologue et femme aymara, est allé vivre un bout de temps avec ces bergères. « De toute ma vie, je n’ai jamais vécu une chose aussi difficile » était son commentaire.

7- Le travail dans la bibliothèque de CEPA a convaincu VIVIANA (Turco), autant que FRANCISCA (Chipaya), d’entreprendre des études en anthropologie. Ces jours-ci, elles feront le tour des différentes facultés de l’université avec des affiches et prospectus dans le but de faire connaître la richesse bibliographique de leur bibliothèque ainsi que de la librairie CORREOS-CEPA de WILMA et MONICA, dans l’ancien bureau de poste.
D'autres personnes sont liées à CEPA : FRANKLIN, JOHNY, ANGEL et ISABEL, VIVIANA et LILES, OSCAR, CESAR, et à moindre mesure les groupes Eco-mujeres et Eco-jovenes, chacun(e) selon sa manière, avec un engagement et enthousiasme qui peuvent être plus fragiles que cela paraît à première vue. C’est un peu semblable au processus d’émancipation vécu par tout le pays actuellement, que nous considérons toujours comme irréversible.


Gilberto.

Wednesday, April 11, 2007

Pâques à Radio Bolivia.

Bonjour tout le monde,

Dimanche de Pâques. La Semaine Sainte réunit encore des masses de gens et crée sa propre atmosphère. Mais de moins en moins elle est définie par l’Église. Ce qui est nouveau pour Oruro, depuis quelques années, c’est de voir des dizaines de milliers de personnes, qui se rendent le Vendredi Saint, à l’orée de la ville, dans les dunes, pour y admirer les sculptures de sables représentant des tableaux du chemin de la Croix. Antérieurement, on y allait pour tuer des lézards (qui représentent les assassins de Jésus-Christ) dans le but d’expier ainsi ses péchés.

1- « La Semaine Sainte est comme un plant de pommes de terre. Au début, tout semble merveilleux : un plant luxurieux avec des fleurs blanches ou bleues et de petites boules vertes comme fruits (dimanche des Rameaux). Mais arrive le gel et la sécheresse et tout se rabougrit pour ne laisser que quelques tiges brunes (Vendredi Saint). Tout semble perdu. Mais celui qui creuse un peu plus profond, trouve la nourriture et la semence, en d’autres mots, le futur (Pâques)». La Semaine Sainte est intégrée dans le cycle agraire andin de la Toussaints en passant par le Carnaval jusqu’à Pâques et parfois jusqu’à la Pentecôte, du printemps à l’automne, de la semence à la récolte. C’est la période où dans les communautés, on joue de la flûte ‘tarca’. Seulement après, arrivent les fanfares pour les fêtes des saints patrons, l’ordre social imposé de l’extérieur.
C’est ainsi que je l’ai présenté, ce matin de Pâques, dans un programme de deux heures à la radio. L’événement religieux de la Semaine Sainte est vécu en premier lieu comme un événement andin. Le peuple s’identifie avec le Crucifié torturé. « Il est quelqu’un ‘comme nous’, il nous représente (comme le président Evo Morales est quelqu’un comme nous, qui nous représente auprès du gouvernement.)»

2- Pendant ce programme à la Radio Bolivia (propriété du syndicat des ‘campesinos’), tout en mâchant la feuille de coca, nous discutions avec cinq représentants des Aymaras et des Quechuas, sur le rôle de la religion dans la société actuelle. On a surtout soulevé les péchés et les manquements de l’Église pendant cinq siècles de catholicisme. Mais plus important encore m’a paru leur conclusion. « À partir de notre vision dualiste homme-femme, nous croyons dans la complémentarité, aussi entre le positif et/ou le bien (le nôtre) et le négatif et/ou le mal ( ce qui est imposé). Nous avons besoin de la complémentarité pour progresser, pour produire quelque chose de nouveau …» J’ai protesté contre le fait que le féminin était présenté comme négatif ou mauvais.…

Nous ne sommes pas venus non plus à un accord, sur la question de savoir quel nom portera le pays qu’on est en train de forger dans l’Assemblée Constituante. Je plaidais pour garder le nom de ‘Bolivia’, devenu historiquement une union dans la diversité. Eux, ils proposaient que le pays devienne « Kollasuyu » (le nom de la partie sud du royaume inca). Jusque-là va leur désir de changement.

3- Dans l’après-midi, nous recevions la visite de Pancho et Clemente, anciens collaborateurs au ‘Centre diocésain de Pastoral Sociale’. Ils sont maintenant gérant et conseiller juridique dans la fonderie d’étain de Vinto, récemment nationalisée. Leur question était : « Comment susciter à nouveau des valeurs auprès des ouvriers ? Ils n’ont d’intérêt que pour leur propre travail et salaire, alors qu’auparavant le syndicat des mineurs et des métallos faisait front aux dictateurs et exploiteurs pour la défense de tout le peuple. Comment les engager dans le processus actuel de changements ?» Aussi c’est devenu une longue discussion, touchant la stratégie de communication, pour finalement aboutir à la problématique environnementale. Ils ont à l’oeil la pollution par l’arsénique et l’acide sulfurique. J’ai aussi tiré leur attention sur l’empoisonnement au plomb, qui atteint surtout les capacités intellectuelles des enfants, selon l’enquête effectuée sur place par la Banque Mondiale.

4- Est-ce que le processus de changement du gouvernement actuel tourne toujours à plein régime ? Même Evo semble avoir un doute. Des chicanes internes et du favoritisme pour des postes ou des avantages, affaiblissent la gouvernance. À cela s’ajoute qu’on commence à créer un climat électoral. Quand la nouvelle constitution sera prête (normalement prévu pour le mois d’août, mais probablement prolongée de quatre mois), on veut appeler aux élections anticipées, sur la base de la nouvelle législation. Donc, ce n’est pas le moment de perdre des votes. C’est ainsi que, une autre fois, on a nommé un autre ministre de l’industrie minière, sous la pression des coopératives minières. Ils sont nombreux n’est-ce pas…

Le ciel qui demeure couvert et un peu pluvieux de temps en temps promet malgré tout une bonne récolte, au moins, ici à Oruro.

Gilberto.

Wednesday, April 4, 2007

Rituels andins.

Amigos,

Hier, j’ai participé à deux singuliers rituels andins.

1- L’avant-midi, Calixto Mamani (Aymara et Oblat) et moi-même, nous nous roulions par terre à Chuzekery, pendant qu’on nous couvrait de fleurs. Avec ce rituel, nous sommes reconnus propriétaires d’une colline et d’une plaine entourée d’un peu d’eau. L’intention c’est de transformer ce terrain, situé à l’orée de la ville, en parc écologique et culturel, géré par une Fondation Écologique Andine. De cette façon nous voulons éviter que ces beautés de la nature ainsi qu’un héritage culturel soient envahis et détruits par l’avancée de l’industrie minière ou l’expansion urbaine.

L’enjeu est important, car il ne s’agit pas d’une colline anodine. Elle est parsemée de plus de vingt ruines de constructions sépulcrales. L’analyse effectuée sur les brins de paille à l’intérieur des murs de ces ‘chullpas’ a démontré qu’elles datent du 13e siècle, donc antérieur à l’époque des Incas. Jusqu’à date, elles sont exposées en permanence au vandalisme et au pillage. Maintenant nous considérons notre devoir de susciter le respect, l’appréciation et l’intérêt pour ces témoins de pierres marquant la présence historique des peuples Uru, Aymara et Quechua, situés à l’intérieur des limites de la ville. Il peut s’avérer d’une grande importance, de retourner à un peuple, un petit brin de son histoire, surtout dans ces temps-ci de migration, revalorisation et re-identification ethnique.

2- Et puis, en après-midi, j’étais invité à une cérémonie de ‘baptême’ aymara. À vrai dire, à un nouveau rituel qui, pour autant que je sache, se célébrait de cette manière, pour la première fois. Felix Cardenas et Francisca Alvarado ont fait ‘baptiser’ leur fils, Inti Paulo, dans la communauté aymara. Le parrain était Juan del Granada, le maire de La Paz. Pendant les discours, on parlait surtout de la décolonisation mais aussi de ‘l’inter-culturalisme’. Il s’agit d’un nouveau rituel aymara, construit d’éléments de rituels existants, mais à l’intérieur, proprement dite, du cadre sacramental de l’Église. «Dans la région de La Paz, il existe déjà des mariages aymaras », disait Felix, « et d’ici quelques années, il deviendra courant de baptiser nos enfants selon nos propres coutumes. »

À ce moment-là, je pensais: nous considérons comme un tour de force que l’Église, dans sa liturgie, ait réussi à évoluer d’une persécution directe des religions andines vers un usage timide de quelques éléments propres à la culture andine. Mais combien peu d’attention et de compréhension rendons-nous au fait que depuis si longtemps on ait introduit des signes et des symboles de l’Église catholique dans le monde religieux des Andes. On peut s’attendre, à mesure que cela puisse s’opérer ouvertement, qu’il y ait de plus en plus de ces rituels. Cela pourrait avoir comme conséquence que la religion andine se manifestera peu à peu comme une communauté religieuse alternative, sur la base d’une structure empruntée aux Églises existantes.

Dû aux circonstances, Eva, la fille du président Evo Morales, étant la demi-sœur d’Inti Paulo, l’enfant à baptiser, était présente à la célébration. Dans le temps, j’avais proposé à Francisca, leur mère commune, de continuer ses études secondaires à CETHA Socomani. Ensemble avec Monica Flores, elles avaient entrepris et réussi leurs études et actuellement Francisca est sur le point de finaliser ses études universitaires comme avocate.

3- Le passé andin apporte des pierres pour bâtir le futur. En parcourant ce que j’ai vu et vécu aujourd’hui, je me demande ce qui arrivera si on veut continuer à développer le contenu andin, à l’intérieur de l’Église, où il y a si peu de réflexion théologique ni d’action concernant la libération et la diversité culturelle?

4- Et concernant la problématique écologique ? Notre réunion sur « Justice environnementale et industrie minière en Amérique Latine » est terminée et ce fut un succès. Plus de 40 personnes y ont participé, dont 14 visiteurs de plus de huit pays différents. Dans les déclarations finales — pour sociétés et Églises — quelques idées clé sont ressorties. Un débat public a eu lieu à l’université, et l’ «Observatoire pour conflits environnementaux » peut aller de l’avant. Dans ce qui suit, quelques notes personnelles marginales :

— À cause des prix élevés, l’agressivité croissante de l’industrie minière occasionne partout des conflits plus rageurs entre compagnies et communautés rurales ou centres urbains.

— Il y a aussi encore beaucoup de conflits régionaux. Là, où l’industrie minière est nouvelle (Guatemala, Ecuador, …), les compagnies ont beau jeu au début mais une fois l’opposition populaire en marche, elle est inébranlable. Là, où depuis longtemps on a été obligé de vivre ou d’apprendre à vivre avec l’industrie minière (comme à Oruro), les réactions sont plus calculées. Mais finalement, il s’agit, d’imposer partout des conditions à l’exploitation minière : celle-ci ne devrait pas être possible partout et non plus avec n’importe laquelle technologie.

— Les mines coordonnent entre elles leurs positions stratégiques pour subtiliser aux intéressées une licence sociale. Sur ce point, elles sont prêtes à aller très loin dans la défense de leurs intérêts. Les relations entre leurs ‘favorisés ou ‘victimes’ (selon la vision ) sont beaucoup moins intenses. De là l’appel à une solidarité commune.

— Il n’est pas facile d’aider des groupes ou des gens à soupeser les avantages immédiats (relativement petits) aux risques et désavantages permanents ou à long terme.

— Le fait que le ministre de l’industrie minière soit venu expliquer la politique minière de la Bolivie, fut considéré comme positif. Des contacts semblables avec les écologistes sont impensables dans d’autres pays.

— À beaucoup d’endroits, l’Église est impliquée dans cette problématique, surtout à la base, comme une nouvelle concrétisation de «l’option préférentielle pour les pauvres ». Des compagnies économiquement fortes et puissantes font face à des communautés de base pauvres et menacées.

— Etc …

5- Une autre constance est le rôle primordial des moyens de communications sociales. Pour cette raison, les compagnies font tout leur possible pour les garder sous contrôle. Cela nous avons pu le constater encore ces jours-ci par la diffusion, avec insistance, d’une plainte du syndicat des travailleurs de la mine aurifère Inti Raymi contre nous. Sous prétexte d’une soi-disant fausse information de CEPA concernant la marge de bénéfices extraordinaires du géant aurifère Newmont, les mineurs nous accusaient d’être des ‘terroristes environnementaux’. Que les données (empruntées à Reuters) étaient finalement exactes, ne semblait plus avoir, après coup, une valeur ‘digne de bulletin de nouvelles’…Heureusement nous pouvons toujours compter sur Radio Bolivia et Radio Pio XII. Et il y a aussi notre Chiwanku (info-bulletin ‘Le Merle’) qui continue à voltiger partout.


D’une ville d’Oruro automnale,

Gilberto.

Sunday, March 4, 2007

Inondations et Industrie Minière.

Bonjour tout le monde,

2007 : L’Année de l’Industrie Minière. C’est ainsi que le proclama le gouvernement. Mais jusqu’à date, ce fut l’Année des Inondations : trop d’eau dans les tropiques et trop peu sur l’altiplano.

1. Les résultats au niveau de la politique minière sont pourtant remarquables.

- Malgré les actions vigoureuses de protestation à La Paz, le gouvernement réussit à maintenir les coopératives en dehors du centre minier de Huanuni et d’éviter ainsi des foyers de conflits pour le futur. Les membres des coopératives minières avaient le choix : devenir ouvrier dans l’entreprise de l’état ou accepter de l’aide afin de commencer une nouvelle exploitation ailleurs.

- La nationalisation de la fonderie d’étain de Vinto s’est poursuivie. Les conditions existantes intolérables ont été mises à nu. Et maintenant on est aussi en train d’examiner la situation dans les autres entreprises de l’ex-président Sanchez de Losada : Porco, Colquiri, Bolivar.

- On a signé le contrat avec la Jindal, une compagnie de l’Inde, pour l’exploitation du Mutún, une des plus grandes montagnes de minerai de fer au monde, située proche de la frontière avec le Brésil. Le gouvernement a finalement obtenu, à peu près, ce qu’il visait : une plus grande redevance pour l’état et un prix plus élevé pour le gaz qu’on utilisera pour la production.

2 La semaine passée, juste avant d’en arriver à ces accords, Guillermo Dalence, ministre de l’industrie minière, était en visite chez nous, à CEPA. Il est venu expliquer la politique du gouvernement à une douzaine d’organismes, affectés par les exploitations minières. Ce qu’il a posé en principe, est en voie de réalisation. COMIBOL, la société d’état, est renforcée; les coopératives doivent respecter les principes du coopératisme, si elles veulent obtenir de l’aide; les entreprises privées qui agissent correctement seront respectées. L’État effectuera le contrôle de la production et de la commercialisation des minéraux, en commençant par l’étain et … l’or ! Les questions venant du public étaient sensées. Emilio de CEPA abordait la problématique environnementale. La réponse : les nouvelles exploitations seront soumises à des normes strictes et l’État se chargera d’entreprendre graduellement les corrections nécessaires suite aux conséquences négatives de presque cinq siècles d’exploitation minière agressive. Puis, ce fut au tour d’une femme de mineur à prendre la parole : Plus de revenus ne signifie pas nécessairement une amélioration de la qualité de vie dans nos familles. Quelles sont vos propositions pour éliminer les conséquences négatives et de mettre en marche un développement intégral dans les centres miniers et la région ? Mais manifestement, le planning du ministère ne va pas aussi loin.

  1. Pendant qu’à l’externe on doit se tenir ferme, on se demande si à l’interne la société d’état reconstituée, la COMIBOL, sera à la hauteur de ces énormes tâches. Indirectement, nous nous trouvons dans le même bateau.
    - Le gérant (Francisco Infantes) et le conseiller juridique (Clemente Paco) de la fonderie de Vinto, sont d’anciens collaborateurs du Centre Diocésain de Pastorale Sociale.
    - En tant que CEPA, nous accompagnons et guidons certaines communautés rurales (CORIDUP) dans l’élaboration d’un plan, avec l’entreprise minière de Huanuni et le ministère, dans le but de contrer la dégradation des terres agricoles et fourragères.
    - La semaine qui vient (9-11 mars) nous organiserons une réunion internationale sur «Justice environnementale et industrie minière en Amérique Latine». Dans de nombreux pays on se bat avec des problèmes et conflits semblables entre les entreprises minières et les communautés rurales ou centres urbains. C’est le temps ensemble, de mettre des lunettes ‘voir-juger-agir’. Beaucoup d’invités viennent des milieux d’Églises. Nous nourrissons un mince espoir de pouvoir apporter notre petite contribution (un grain de sel) à la cinquième conférence épiscopale d’Amérique Latine qui aura lieu au mois de mai à Aparecida (Brésil). L’option pour les pauvres se trouve devant de nouveaux défis dans ces temps-ci de globalisation. « Que nadie escupa sangre para que otro viva mejor» ( Que personne ne crache du sang pour qu’un autre vive mieux), ainsi chantait jadis Yupanqui. À ce moment-là, il parlait de la maladie de la silicose auprès des mineurs. Aujourd’hui, il s’agit du droit à un milieu de vie sain à l’égard de grands groupes de populations, en majorité, des peuples autochtones. Jusqu’à récemment, on pensait inévitable et donc acceptable que des mineurs puissent atteindre à peine, 40 ans de vie. Aujourd’hui, on trouve encore acceptable de vivre avec la contamination et avec des risques qui sont pourtant évitables. «Mourir pour produire» doit devenir «produire pour vivre»

Mais pour le moment, ici, il y a des milliers de familles qui ont perdu, ou qui sont en train de perdre, tous leurs biens, maison, récoltes, bétail à cause des inondations dans les terres basses ou de la sécheresse et le gel sur l’altiplano.

Con un saludo fraterno.

Gilberto.

Wednesday, February 21, 2007

Carnaval à Oruro!

Amigos,

Oruro fête son Carnaval. Les diables dansent pour La Virgen del Socavon. La fête s’amplifie à chaque année.

1. Il y a assez longtemps, le curé d’un quartier des mineurs et le patron de la mine trouvaient que deux fêtes de suite — la fête de la Purification de la Vierge ou la Chandeleur, patronne de la chapelle du quartier et le Carnaval, célébration d’une fête ‘païenne’ tolérée, avant d’entreprendre le sévère carême — n’étaient pas bonnes pour les moeurs et le travail. On décida donc de fusionner les deux en un seul événement de festivités : catholicisme espagnol et rites de fertilité. L’originalité de ce croisement a mené à une célébration si intense et variée, que la fête du Carnaval d’Oruro fut proclamée, depuis quelque temps, Patrimoine de l’Humanité. En plus cette année, le président Evo Morales et une partie de son cabinet étaient de la partie.

2. Mais encore hier, Evo Morales était à Oruro, dans la fonderie d’étain de Vinto, pour une ‘ch’alla’, un sacrifice à la Mère Terre. Le même soir, le rite pour la Pachamama a été refait mais cette fois, dans le ‘Palacio de Gobierno’ à La Paz. Le patrimoine andin semble trouver une place de plus en plus importante et de façon créative à l’avant scène.
— Ce n’était pas par hasard que la cérémonie se déroulait dans la fonderie. Le 10 février, le département d’Oruro fêtait son anniversaire et pour cette occasion le président est demeuré trois jours sur place. L’événement le plus important était sans doute la (re)nationalisation de la fonderie d’étain de Vinto. Elle avait débuté comme une entreprise d’état, fut achetée par COMSUR, la compagnie minière de l’ex-président Gonzalo Sanchez de Lozada, qui, sentant la soupe un peu trop chaude, la revendit à la compagnie anglaise Glencore. Selon le gouvernement, ces transferts se sont opérés avec tant d’irrégularités, qu’on décida de ne payer aucun dédommagement lors de cette ‘récupération’. L’ex-président Goni, qui demeure aux États Unis, et contre lequel un procès pour tueries collectives est en cours, était propriétaire de plusieurs autres mines …
— Evo avait d’autres surprises pour son département. Non seulement le chemin vers le Chili (Pisiga) sera asphalté au complet mais également une route touristique qui contournera le lac Poopó (et qui passera par Orinoca, le village natal d’Evo).
Dans peu de temps, Oruro pourra compter sur un expo-campus élargi, rattaché à l’université. Chaque village a reçu deux tracteurs agricoles. Personnellement, j’aurais préféré quelques milliers de pompes à eau aux soixante-dix tracteurs pour le même argent.
— Entre ses visites à Oruro, le président s’est rendu au Brésil où il a réussi, contre toute attente, une amélioration du prix de vente du gaz. Davantage de beurre sur le pain et une redistribution visible de la richesse au profit de la population, ce sont des réalisations du gouvernement actuel qu’on peut difficilement nier.
— Entre-temps, de l’argent a été disponible et on a reçu de l’aide de l’extérieur pour les victimes des désastres naturels. Les prédictions en relation avec le phénomène climatique ‘El Niño’ se sont avérées justes et les conséquences négatives semblent plus graves que ce à quoi l’on s’attendait. Les inondations dans l’Est sub-tropique comme la sécheresse et le gel sur l’altiplano ont causé des problèmes partout. Le plus épargné est encore Oruro.

3. À CEPA (Centre pour l’écologie et peuples andins), nous étions occupés, ces derniers jours, à faire des recherches et des publications.
— Le livre de Marcelo Laura sur le Carnaval a été présenté aux étudiants en anthropologie. Cette fois il ne s’agit pas de l’histoire et de la symbolique des différents groupes de danseurs. C’est plutôt une analyse socioculturelle des processus et des rapports de forces sous-jacentes. Ceux qui prétendent représenter les peuples andins, ne montrent pas toujours le respect nécessaire vis-à-vis les représentants authentiques de ces groupes populaires.
— Le livre de Ricardo Lopez, sur les masques et les danses dans les ayllus des villages d’Oruro, se trouve en imprimerie mais n’a pas été imprimé à temps. D’une certaine manière, c’est une réponse à son livre précédent : un retour aux sources.
— Dans le même sens mais d’une façon plus large sur le plan politique, le livre de José Luis López argumente sur ‘le droit à l’autonomie des peuples autochtones de la Bolivie’. Il place la problématique de la diversité culturelle et ethnique en Bolivie dans le contexte du droit international. Nous avons déjà procuré un exemplaire à Félix Cárdenas (Griffonnages # 148), qui est devenu le président de la commission — peut-être la plus importante — de l’Assemblée Constituante : la commission doit élaborer une nouvelle vision de la Bolivie.
— En
décembre, nous avons fait paraître un livre sur la ‘pasakana’, un fruit de cactus et en janvier, la préfecture organisait une exposition à son sujet. Antérieurement, nous avions publié un texte du même auteur, Erick Morón, sur l’«anqhañuqu», une racine sauvage comestible, parasite de l’arbuste ‘thola’. Il y aura aussi une exposition à ce sujet dans le mois de mars.
— Et entre-temps, nous nous sommes déjà réunis à trois reprises en 2007, avec un nouveau groupe de chercheurs sociaux. 25 se sont présentés. Le groupe a choisi le nom de CIPS, un petit mot ‘bon-à-tout’, très répandu à Oruro, (si pués, genre : hé-oui) mais qui signifie ici «Centro de Investigaciones y Políticas Sociales». Ça promet pour le futur.

Les diables d’Oruro s’agenouillent par dévotion à la Sainte Vierge, signe que la fête commence. Oruro danse, se soûle, bouffe, joue, bagarre et fraternise.

Gilberto.

Sunday, February 4, 2007

Surprises d'Evo.

Bonjour tout le monde,

Le gouvernement d’Evo Morales continue à nous servir des surprises. Ces jours-ci, il nous montre que non seulement il est capable d’organiser des manifestations populaires, mais aussi de les refréner, si stratégiquement cela convient mieux

  1. Il y a encore des groupes qui exigent la démission des préfets de Cochabamba et de La Paz, mais vu que légalement, cela est seulement possible par référendum, le gouvernement a écarté la rébellion populaire comme solution.
    L’évolution durant un an de gouvernance a mené à un changement de direction. Sept ministres, les plus discutés ou conflictuels, ont été remplacés.
    En plus, le gouvernement accepte finalement que chaque article de la nouvelle constitution soit approuvé par une majorité des 2/3, mais il impose la fin de juillet comme date limite. Par la suite, on soumettra les articles, qui à cette date n’ont pu être approuvés, à un référendum.
    Malgré cette attitude plus conciliante, le parti MAS d’Evo a perdu la présidence du sénat. Les partis de l’opposition ont pactisé ensemble. Le MNR et le UN qui n’ont qu’un siège chacun, ont donné leur appui à PODEMOS, à condition que, d’abord le UN et après le MNR, occupent le siège de la présidence du sénat pendant un an. Pour Evo et son gouvernement, le sénat demeure donc le plus grand obstacle pour réaliser des changements légaux à court terme. Ils veulent demeurer démocratiques, mais sans accumuler de conflits. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’en auront plus. Celui qui vise des changements profonds, marche inévitablement sur des pieds sensibles. Beaucoup de gens et d’institutions considèrent leurs soi-disant droits ou privilèges comme inaltérables et sont prêts à aller très loin pour les défendre. Quoi qu’il en soit, cela demeure «un processus révolutionnaire en démocratie», un combat.

  2. Hier, j’ai partagé mon temps entre trois réunions importantes pour les objectifs de CEPA en tant que Centre pour l’Écologie et Peuples Andins.
    — Les consultations du gouvernement dans les secteurs impliqués de l’industrie minière, ont été finalisées dans le but d’en arriver à un projet de loi. Plus de cent personnes y ont participé mais on n’a pas réussi à trouver un compromis, car les coopératives ne veulent pas une augmentation d’impôts. Un fait nouveau était que la problématique des communautés rurales et de l’environnement (Écologie et Peuples Andins !) était explicitement présent. Beaucoup de gens seraient surpris de savoir que Guillermo, le ministre de l’industrie minière, et Carmen Rosa, écologiste et présidente du comité de direction de CEPA, forment un couple depuis des années …
    — Ailleurs en ville, le Vice-ministre pour la Biodiversité, convoquait les organisations et les spécialistes dans le but de discuter et d’enrichir un projet de loi sur la Diversité Biologique. Une cinquantaine de personnes se sont réunies et on a eu des débats fort animés dans des groupes de travail sur la signification d’un certain nombre de principes de base. En tant que CEPA, nous avions sur ce thème un numéro prêt de notre bulletin d’information, le Chiwanku ( Le Merle). J’y ai rencontré Sebastiana, une femme Chipaya, qui, il y a cinquante ans, comme jeune fille, jouait le rôle principal dans le premier film ethnographique d’importance en Bolivie : « Vuelve Sebastiana», traitant des relations de son petit village avec le village aymara voisin, Sabaya.
    — Et dans le ‘paraninfo’ (salle de spectacle) de l’université a eu lieu le Premier Congrès de CORIDUP, la ‘Coordinadora’ pour la Défense de la rivière Desaguadero, du lac Uru Uru et du lac Poopó, surtout contre la pollution par l’industrie minière. Il y avait plus de 200 personnes présentes.
    Jusqu’à date, en tant que CEPA, nous nous sommes comportés comme des ‘asesores’ à l’égard des communautés impliquées par l’exploitation minière, en les transmettant surtout de l’information. Nous sommes arrivés à la conclusion que nous devions en faire plus, et ainsi, Emilio et Angela de CEPA ont joué un rôle plus actif dans l’organisation du Congrès. La Coordinadora de l’Eau de Cochabamba a servi de modèle. Mais le plus grand défi est, et restera toujours, le milieu-audit de la mine aurifère Inti Raymi.

  3. Cette semaine, Il y avait beaucoup d’animation sur les terrains du Tambo CEPA à Chuzekery. Pour clôturer la semaine de travail, on a accompli un sacrifice de lama pour la Pachamama, la Mère Terre. « L’eau est le sang de la Mère Terre. Pour l’obtenir et l’utiliser nous devons lui demander sa permission et la remercier», disait Eliodoro, membre de la direction de Jaraña, une organisation ‘campesina’ qui se dédie à la problématique de l’eau. Pendant toute la semaine, une vingtaine de personnes, hommes et femmes, ont suivi un cours à savoir comment construire des réservoirs d’eau. Avec comme conséquence, que CEPA possède maintenant un réservoir de 10.000 litres de plus, construit avec du ‘ferro-ciment’. La construction du réservoir de 12.000 litres avec une pompe fonctionnant à l’énergie solaire s’est terminée aussi aujourd’hui. Dès maintenant et aussi longtemps qu’il y aura du soleil, d’une façon permanente, on pompera 400 litres d’eau à l’heure. Nous sommes fin prêt à recevoir des visiteurs pour leur montrer comment nous pouvons traiter et utiliser l’eau.

  4. Et par hasard … trois autobus, avec des étudiants universitaires, passaient par-là. Don Angel leur montrait fièrement la production dans les serres. Ce sont de beaux moments pour moi quand je vois les gens des villages andins montrer aux gens de la ville, leur savoir-faire et leur richesse culturelle.
    Nous sommes retournés en ville avec des sacs et des petits paniers de légumes, dont plus de 10 kilos de tomates. La Mère Terre a été généreuse, au moins cette fois. Demain, dimanche, Doña Isabel ou Virginia, s’assoiront à terre, entre les femmes, sur la petite place du marché ‘Walter Khon’, pour vendre des légumes frais. Il ne manquera que le petit écriteau : « Légumes Écologiques Tambo CEPA Chuzekery ».

À vous toutes et tous, je souhaite encore un petit bout d’hiver, mais sans accidents.

Gilberto

Sunday, January 21, 2007

Año nuevo.

Amigos/as todos/as,

Año nuevo. Un temps pour évaluer, un temps pour planifier. Souvent on manque de temps pour conclure, pour ramasser et archiver, car l’an nouveau a déjà un pied dans la porte.

1. Deux morts et plus de cent blessés, c’est le résultat des troubles et des combats de rue à Cochabamba, entre une masse populaire, constituée surtout de cocaleros (paysans cultivateurs de la feuille de coca) et de gens de la ville, surtout d’étudiants. Le but : les organisations populaires veulent forcer la démission du préfet, car celui-ci s’est dit favorable à «l’indépendance» de Santa Cruz, ce qui signifie, qu’il a choisi le côté de l’oligarchie. Les blocages de routes ont été levés et les négociations sont en cours, mais le problème est loin d’être résolu.
Les conflits en Bolivie prennent de plus en plus une couleur locale, mais la contradiction reste toujours la-même. Des organisations sociales et ethniques, qui veulent garantir leurs droits par des changements structurels, se trouvent devant des groupes dont l’intérêt est de maintenir leurs privilèges. Il s’agit ici d’une lutte de pouvoir qui ne cherche pas toujours et uniquement à parvenir à une société plus juste. Vu territorialement, les points de gravité se trouvent, d’un côté, à El Alto (proche de La Paz) et la région de la coca et de l’autre côté, le centre-ville de Santa Cruz. Cochabamba et les autres villes constituent les joueurs de centre. Les confrontations ont lieu dans les réunions de l’Assemblée Constituante (à Sucre) ainsi que dans les directions locales, opposées au gouvernement. L’année 2007 deviendra une année d’épreuves de force. Espérons, malgré tout, que cela puisse se réaliser sur une base de participation, consultations et dialogue, sans effusions inutiles de sang.

2. Le gouvernement proclame 2007 comme l’année de l’industrie minière. On veut que le pays profite plus des bénéfices. Les nouveaux contrats conclus l’an passé pour l’exportation du gaz, et qui ont contribué à une augmentation considérable des revenus, servent maintenant de modèle. Que l’exploitation des richesses naturelles doivent se faire avec le moins de dommages possibles à la nature, à l’environnement et à la santé des gens, ce thème est présentement beaucoup moins explicite. Donc en tant que CEPA, nous savons ce que nous aurons à faire …

3. 2007 restera encore l’année de l’émigration. Des masses de gens partent ailleurs, malgré les perspectives meilleures dans leur propre pays. Ce fait est cité trop facilement comme signe de l’échec de la politique de développement du gouvernement et comme une preuve que les changements ne donnent pas des résultats positifs pour le peuple. Cela me semble une conclusion erronée. Une amélioration du niveau de vie, conduit — certainement à court terme — à une plus grande émigration. Il y a encore, depuis longtemps, trop de personnes qui voulaient partir mais qui n’en avaient pas les moyens, ce qui est maintenant devenu possible. Ce qui n’était pas possible auparavant, le devient maintenant. Et, malgré toutes les chances d’amélioration, pouvoir partir ailleurs — même si ce n’est que temporaire — pour aller y gagner cinq, dix fois plus qu’ici, demeure quoi qu’il en soit, une tentation irrésistible. L’inégalité entre les pays est si grande que les gens continuent à opter pour cette opération difficile, risquée et pénible. L’annonce de contrôles plus poussés pour endiguer semblables migrations sont un argument de plus pour accélérer le développement.

4. Aujourd’hui, se termine le congé annuel de CEPA. Les travaux dans le potager, la vente de livres, l’accompagnement dans les conflits environnementaux ainsi que les projets de recherche se sont tout simplement poursuivis. Sofie et Lotte, deux étudiantes en anthropologie de l’université de Gand, sondent la population de Challacollo et Iroco sur leur conscience de l’environnement. Ivana, architecte aymara, dessine et décrit les lieux historiques et rituels d’un autre village, celui de Curahuara de Carangas. Ricardo enregistre l’histoire et la signification des toponymes dans le territoire de Soras. Sandra était heureuse que le président Evo Morales cite, lors d’une réunion d’évaluation nationale, son travail sur la jurisprudence autochtone, mais Idon qui travaille au même ministère, était plutôt déçu que son travail sur les droits humains ne soit pas mentionné.
La Coordonnatrice pour la défense des rivières et des lacs, exige, une fois de plus, via une lettre publique au président, un audit indépendant sur les conséquences environnementales causées par l’exploitation aurifère d’Inti Raymi (Newmont). Une deuxième petite fabrique d’acide sulfurique ne peut plus polluer l’air de la banlieue. À une réunion de travail avec le ministre de l’industrie minière, concernant une nouvelle législation minière, non seulement les représentants des mineurs salariés ainsi que les membres des coopératives minières étaient invités mais aussi les autorités autochtones des communautés andines. Et cela c’est tout un progrès. Bref, ce n’est pas la dynamique qui manque.

Au début de cette nouvelle année, je veux remercier très cordialement Hugo Parmentier et ses collaborateurs au Canada, qui chaque fois, précis et vite, transforment les ‘Andeskrabbels’ en Griffonnages des Andes pour rejoindre ainsi un groupe de personnes de langue française, qui ont à coeur Oruro et la Bolivie, en leur donnant l’opportunité de demeurer au courant des événements. Merci Hugo, pour ton attachement constant, après avoir toi-même rouler ta bosse, pendant des années dans les villages andins, il y a plus de trente ans..

Il pleut. Ailleurs au pays, il pleut trop ou pas assez. Ici, à Oruro, nous profitons jusqu’à date, d’un temps de pluie plus ou moins normal.
Je vous souhaite une année 2007 qui dépasse toutes les années précédentes en chaleur humaine.

Gilberto.