Tuesday, January 29, 2008

Blocs de départ et Méli-Mélo.

Amigos todos,

Il continue à pleuvoir. Ici, les « campesinos » sont contents mais ailleurs on souffre à cause des inondations.

1. Quelle est la fête qui attire le plus de gens à l’église ? Étonnamment, il se pourrait bien que ce soit la fête des Rois mages, car ce jour-là c’est le branle-bas autour de l’autel, avec des centaines de crèches, souvent avec plusieurs « niños », de toutes grandeurs et couleurs. Cela tient sans doute au fait que la fête des Rois mages est une fête espagnole importante depuis les temps anciens. D’ailleurs ici aussi, c’est une fête pour les enfants. Mais c’est aussi la période où les nouvelles autorités (jilaqata et mallku) des communautés autochtones sont ‘couronnées’, habillées avec un poncho, avec autour du cou un lasso ou fouet, et une couronne de pain autour du chapeau. Ils reçoivent la crosse, nommée le « Papa Santa Roma. » L’expérience religieuse du peuple, crûe à travers les âges, possède ses points culminants particuliers et ses propres significations.

2. Entre-temps, Evo Morales, un Aymara d’Orinoca, petit village de notre département d’Oruro, est, depuis deux ans, président du gouvernement bolivien. Le dialogue établi avec les directions locales (préfets), ne se fait pas sans heurts. En tombant et en se relevant, avec des marées hautes et marées basses, des destructions et des reconstructions, on cherche une solution pour des questions en attente : l’approbation de la nouvelle constitution, la décentralisation du pouvoir et la redistribution des revenus du gaz. L’opposition — ou en d’autres termes, la défense des intérêts des groupes, qui étaient dominants, il y a peu de temps encore — s’est déplacée des partis traditionnels vers les organismes régionaux de direction

3. Mais d’abords, fêter le Carnaval !! Aujourd’hui, au centre ville, 6000 musiciens tambourinaient et soufflaient en même temps. Nos fanfares de village en Flandre — ayant la même origine, dans un lointain passé— ne signifient rien comparées à ceci. Mais d’où viennent les mélodies des Andes ? De la nature : le murmure des ruisseaux, le tambourinage de la pluie, le fracas de la grêle, le grondement du tonnerre et le sifflement du vent, le chant des oiseaux et le coassement, le meuglement et le martèlement des sabots des animaux, le bruissement des feuilles et le frémissement des roseaux. On va dormir en pleine nature pour s’imprégner des sons et des rythmes. Cette semaine, quelques personnes de CEPA (Centre pour Écologie et Peuples Andins) sont parties avec le groupement culturel « Illawara » à leur village d’Escara pour y accomplir un rituel nocturne pour les «sirenas» (sirènes), qu’on pense qu’elles transmettent les mélodies. Un lama a été sacrifié ainsi qu’un coq « que canta ! »

4. Des gens de CORIDUP (la « coordinadora » à la défense des rivières et des lacs) avec Emilio, Angela et Silvana de CEPA, se sont dirigés à Poopó et Antequera, avec des personnes du Ministère de l’Environnement, pour une inspection concernant la pollution causée par l’exploitation minière. À Oruro aussi, ils ont tenu une réunion générale avec les représentants des communautés rurales. Ils étaient plus de 200 participants, se plaignant que les accords ne sont pas respectés. Ils donnent au gouvernement et aux compagnies un mois pour régler le problème avant de passer à la mobilisation pour des manifestations et blocages de rues.

5. Comme à chaque année, mardi passé, vingt autorités de Choquecota sont venues nous rendre visite à CEPA : les « jiliqatas » (toujours en couple, homme et femme), les conseillères municipales (toutes des femmes dans ce village !), et le directeur de l’école. Il y a eu une révision de l’année et on s’est mis à faire des plans pour une collaboration en 2008. Ils veulent surtout faire des plantations, avoir des cours de formation et apprendre sur la biodiversité de leur région (à l’occasion de l’Année Internationale de la Pomme de terre.) Germán de CEPA recevait les visiteurs, mais l’an prochain … c’est lui-même qui viendra nous visiter, car lui et sa femme, seront, à leur tour, pour une année entière, à la tête de leur «ayllu», en tant que « jiliqata » et « mama t’alla.» Comme parents et pasteurs de leur communauté, ils porteront la responsabilité rituelle, culturelle et sociale du bien-être de leur «enfants.»

6. Si on approuve la nouvelle constitution, non pas trois mais quatre « pouvoirs » auront la main haute en Bolivie : le pouvoir législatif, le pouvoir juridique, le pouvoir exécutif et aussi le pouvoir électoral. Jeudi passé, j’ai été invité par la cour électorale à assister à l’ouverture de leur année de travail et recevoir en même temps, une médaille pour services rendus à la démocratie et aux droits civils. Je m’attendais à une reconnaissance historique pour notre action, il y a 25 ans, contre les dictatures militaires, en faveur des dirigeants et des mouvements qui exigeaient la démocratie. Mais non, il s’agissait bien du travail de CEPA : pour la défense démocratique de la biodiversité et les ressources naturelles du département d’Oruro. Le mouvement pour l’environnement gagne en reconnaissance et appréciation.

Je viens d’arriver de Chuzekery, comme chaque samedi après-midi, où je suis allé chercher quelques légumes écologiques de notre récolte. Une bonne partie a été vendue par Don Angel et Isabel, à mi-chemin, au Puente Español.

Avec des saluts amicaux,

Gilberto Pauwels

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