Thursday, January 6, 2011

Bolivia: gouverner aavec obéissance.

Le décret qui faisait monter le prix de l’essence et le diesel de trois-quarts a tenu le coup à peine cinq jours. Le président Evo Morales l‘a annulé la veille du jour de l’An. La protestation populaire et surtout l’annonce de manifestations massives dès aujourd’hui, lundi 3 janvier, ont poussé le gouvernement à abolir le règlement.

1. Le calme est revenu au pays et après des augmentations désordonnées des prix, les anciens prix des produits et services sont (en grande partie) revenus comme ils étaient auparavant. Maintenant la Bolivie va être obligée de prendre quelques années pour colmater la brèche entre le prix du combustible réel et celui subventionné. L’industrialisation et les investissements dans l’exploration pétrolière vont se faire à un rythme plus lent. On aura des efforts plus grands à livrer pour contrecarrer la contrebande vers les pays voisins (où le combustible coûte deux à trois fois plus cher). Moins d’argent donc dans les coffres de l’état. Le plan agressif, élaboré sous la direction du vice-président Álvaro García Linera, ne se réalisera pas.

2. « Quand je suis devenu président, j’ai promis de gouverner en obéissant au peuple » disait Evo Morales, « c’est ce que je fais maintenant et cela je veux le faire encore davantage dans le futur. Il ne suffit pas d’écouter le conseil des ministres ou de parler seulement avec les dirigeants; la base aussi doit être engagée dans la prise de décisions ». Il y a eu pourtant des ententes avec des organisations populaires importantes ( campesinos, ouvriers, professeurs, comités de quartiers) mais apparemment cela n’a pas été suffisant. Que du jour au lendemain tout est devenu plus cher de dizaines de pour-cent – même parfois le prix doublait – pendant que de grands secteurs de la population, à court terme, ne recevaient pas une compensation suffisante, faisait en sorte que le décret est devenu une intervention condamnée à l’échec, même si un président populaire comme Evo Morales y a mis toute son influence et son prestige dans la balance. La situation a été mal évaluée. L’équipe ministérielle a reçu du président des directives claires de gouverner en accord avec le peuple, en obéissance aux organisations populaires. La question reste à savoir si cela est réalisable. Va-t-on trouver assez de forces de conviction pour, éventuellement, pouvoir imposer, de cette façon, des mesures qui exigent des sacrifices ?

3. À part de "gouverner en obéissance" il y a une deuxième ligne de front qui va occuper la politique gouvernementale pendant cette nouvelle année : la loi de la Mère Terre. Dernièrement, à toute vitesse, on a approuvé une courte loi découlant de la rencontre sur le climat à Cáncun ; elle doit maintenant être détaillée avec la participation des organisations populaires et de toute la société. À cela on se laisse aussi inspirer par les gestes posés ailleurs, comme par exemple par Équateur, non seulement concernant le contenu des lois mais aussi l’encadrement comme la créativité dans l’actualisation des rites andins.

4. Dans les relations avec les Églises, le "dialogue inter-religieux" va sans doute devenir un des points d’attention. Les dernières semaines on parlait surtout de la nouvelle loi de l’enseignement qui a été approuvée. Le gouvernement a tenu son bout quant au droit à la diversité religieuse mais donnait en même temps des garanties à l’Église catholique qu’il respecterait ses réseaux et institutions sur la base des accords existants. Bientôt viendra le tour de la jurisprudence sur la sexualité et l’avortement et on peut sans doute s’attendre à une vive confrontation. De plus, si le gouvernement a l’intention de prendre plus de contrôle sur l’utilité sociale des propriétés appartenant aux organisations et aux Églises, on peut déjà voir en perspective beaucoup de tensions et de conflits. Espérons qu’on pourra mettre en pratique le chemin du dialogue, proposé par tous.

2011 pourrait bien nous réserver des surprises. Dans beaucoup de structures, de lois, de jurisprudences, même dans le climat, la régularité n’existe plus. Beaucoup de choses semblent déréglées. Espérons maintenant que tout s’arrangera pour le mieux. En attendant, pour la nouvelle année, je vous souhaite seulement des surprises agréables et utiles.

Gilberto Pauwels.

Oruro. Bolivia.

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