Wednesday, April 11, 2007

Pâques à Radio Bolivia.

Bonjour tout le monde,

Dimanche de Pâques. La Semaine Sainte réunit encore des masses de gens et crée sa propre atmosphère. Mais de moins en moins elle est définie par l’Église. Ce qui est nouveau pour Oruro, depuis quelques années, c’est de voir des dizaines de milliers de personnes, qui se rendent le Vendredi Saint, à l’orée de la ville, dans les dunes, pour y admirer les sculptures de sables représentant des tableaux du chemin de la Croix. Antérieurement, on y allait pour tuer des lézards (qui représentent les assassins de Jésus-Christ) dans le but d’expier ainsi ses péchés.

1- « La Semaine Sainte est comme un plant de pommes de terre. Au début, tout semble merveilleux : un plant luxurieux avec des fleurs blanches ou bleues et de petites boules vertes comme fruits (dimanche des Rameaux). Mais arrive le gel et la sécheresse et tout se rabougrit pour ne laisser que quelques tiges brunes (Vendredi Saint). Tout semble perdu. Mais celui qui creuse un peu plus profond, trouve la nourriture et la semence, en d’autres mots, le futur (Pâques)». La Semaine Sainte est intégrée dans le cycle agraire andin de la Toussaints en passant par le Carnaval jusqu’à Pâques et parfois jusqu’à la Pentecôte, du printemps à l’automne, de la semence à la récolte. C’est la période où dans les communautés, on joue de la flûte ‘tarca’. Seulement après, arrivent les fanfares pour les fêtes des saints patrons, l’ordre social imposé de l’extérieur.
C’est ainsi que je l’ai présenté, ce matin de Pâques, dans un programme de deux heures à la radio. L’événement religieux de la Semaine Sainte est vécu en premier lieu comme un événement andin. Le peuple s’identifie avec le Crucifié torturé. « Il est quelqu’un ‘comme nous’, il nous représente (comme le président Evo Morales est quelqu’un comme nous, qui nous représente auprès du gouvernement.)»

2- Pendant ce programme à la Radio Bolivia (propriété du syndicat des ‘campesinos’), tout en mâchant la feuille de coca, nous discutions avec cinq représentants des Aymaras et des Quechuas, sur le rôle de la religion dans la société actuelle. On a surtout soulevé les péchés et les manquements de l’Église pendant cinq siècles de catholicisme. Mais plus important encore m’a paru leur conclusion. « À partir de notre vision dualiste homme-femme, nous croyons dans la complémentarité, aussi entre le positif et/ou le bien (le nôtre) et le négatif et/ou le mal ( ce qui est imposé). Nous avons besoin de la complémentarité pour progresser, pour produire quelque chose de nouveau …» J’ai protesté contre le fait que le féminin était présenté comme négatif ou mauvais.…

Nous ne sommes pas venus non plus à un accord, sur la question de savoir quel nom portera le pays qu’on est en train de forger dans l’Assemblée Constituante. Je plaidais pour garder le nom de ‘Bolivia’, devenu historiquement une union dans la diversité. Eux, ils proposaient que le pays devienne « Kollasuyu » (le nom de la partie sud du royaume inca). Jusque-là va leur désir de changement.

3- Dans l’après-midi, nous recevions la visite de Pancho et Clemente, anciens collaborateurs au ‘Centre diocésain de Pastoral Sociale’. Ils sont maintenant gérant et conseiller juridique dans la fonderie d’étain de Vinto, récemment nationalisée. Leur question était : « Comment susciter à nouveau des valeurs auprès des ouvriers ? Ils n’ont d’intérêt que pour leur propre travail et salaire, alors qu’auparavant le syndicat des mineurs et des métallos faisait front aux dictateurs et exploiteurs pour la défense de tout le peuple. Comment les engager dans le processus actuel de changements ?» Aussi c’est devenu une longue discussion, touchant la stratégie de communication, pour finalement aboutir à la problématique environnementale. Ils ont à l’oeil la pollution par l’arsénique et l’acide sulfurique. J’ai aussi tiré leur attention sur l’empoisonnement au plomb, qui atteint surtout les capacités intellectuelles des enfants, selon l’enquête effectuée sur place par la Banque Mondiale.

4- Est-ce que le processus de changement du gouvernement actuel tourne toujours à plein régime ? Même Evo semble avoir un doute. Des chicanes internes et du favoritisme pour des postes ou des avantages, affaiblissent la gouvernance. À cela s’ajoute qu’on commence à créer un climat électoral. Quand la nouvelle constitution sera prête (normalement prévu pour le mois d’août, mais probablement prolongée de quatre mois), on veut appeler aux élections anticipées, sur la base de la nouvelle législation. Donc, ce n’est pas le moment de perdre des votes. C’est ainsi que, une autre fois, on a nommé un autre ministre de l’industrie minière, sous la pression des coopératives minières. Ils sont nombreux n’est-ce pas…

Le ciel qui demeure couvert et un peu pluvieux de temps en temps promet malgré tout une bonne récolte, au moins, ici à Oruro.

Gilberto.

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