Tuesday, October 13, 2009

Bolivia : travailler au changement.

La promesse la plus citée du gouvernement d’Evo Morales, mais peu définie, était et est encore qu’il y aura des changements. Qu’en est-il de ce processus de changement ? Jusqu’à quel point cela se reflète dans la vie des gens ordinaires et dans les communautés ? De quelle façon, en tant que CEPA (Centre pour l’Écologie et Peuples Andins), sommes-nous impliqués?

1. Les activités de CEPA, ces derniers jours, étaient surtout en relation avec l’adaptation de la législation existante à la nouvelle Constitution, approuvée récemment. Ainsi nous étions engagés dans l’organisation d’une réunion de deux jours pour présenter des propositions pour une nouvelle législation de l’environnement; deux jours aussi pour adapter le Código Minero; hier, nous avons examiné de près le règlement de la loi sur la protection de la faune et de la flore sauvage, et la semaine passée, c’était au tour du règlement de la loi spécifique concernant le reboisement forestier d’Oruro. Tout cela se passe en collaboration avec le gouvernement local et national ainsi que les membres du parlement (maintenant appelé Asamblea del Estado Plurinacional). Naturellement, approuver des lois et effectivement les faire respecter, sont deux choses différentes, mais, qu’à de telles réunions, chaque fois, de 100 à 160 personnes participent, est quand même un phénomène exceptionnel qui indique l’intérêt pour prendre part à la gouvernance.

2. Encore plus de réunions et d’activités ont été réalisées par les gens qui étaient directement impliqués à la défense de l’environnement. Le programme pour un « Octobre Bleu » fut présenté lors d’une conférence de presse. Durant un mois, avec toutes sortes d’activités, la population sera conscientisée à l’urgence de respecter et protéger nos rivières et nos lacs. Par contre, les communautés limitrophes qui justement s’organisaient à la défense de leurs territoires aquatiques (CORIDUP), sont déçues. Des décisions effectives de la part du gouvernement concernant la rivière Desaguadero, les lacs Uru Uru et Poopó (audit environnemental et la déclaration de zone d’émergence), se font attendre. Presque à tous les jours il y a des réunions de travail dans les différents villages et on se promène de Caïphe à Pilate dans les ministères à La Paz. Si la semaine prochaine, on n’arrive pas à des mesures promises, à partir de lundi, 19 octobre, on met en perspective des moyens de pression.
Les discours d’Evo Morales à l’international, à la défense de la Mère Terre, sont dans les faits, scrutés et pesés par rapport aux pratiques de son gouvernement et la différence entre les deux est grande. Dans les conflits entre l’industrie extractive ( les mines, le pétrole et bientôt le lithium) les communautés indiennes ne se sentent pas assez protégées et consultées (respect pour des lieux vulnérables, droit à l’ingérence, indemnisations pour les dégâts environnementaux, droit à la participation aux bénéfices).

3. Concernant les études socioculturelles et environnementales ainsi que leurs applications, il y a du pain sur la planche. Maintenant que les études sur la salinisation et la pollution occasionnées par les eaux de l’industrie minière (avec de l’arsenic, du plomb, du cadmium,...) sont achevées, nous sommes devant la mission de travailler à des filtres d’eau pratiques et abordables.
Ces jours-ci, un groupe de techniciens d’Autriche s’affairent sur l’énergie solaire et le creusage des puits d’eau.
Six projets de recherches sur l’environnement et la culture de la quinua débutent sur l’initiative de PIEB ( Programmes pour la Recherche Stratégique en Bolivie), avec la collaboration de CEPA. La grande demande pour la quinua de la part de l’Europe, n’a pas seulement provoqué une grande hausse des prix, de sorte que la quinua n’est plus abordable pour la population locale, mais a aussi mené à des méthodes de production inacceptables, provocant des dommages irréparables à la terre et à la nature.
Concernant des études sur le racisme et les relations inter-ethniques, PIEB a approuvé, au niveau national, six projets, dont — à notre grande surprise — deux de CEPA. Cela nous permettra de faire des recherches sur les relations socioculturelles et des identifications ethniques parmi les groupes de populations indiennes; d’une part, chez les plus pauvres (les Uru Muratos, des pêcheurs des lacs Uru Uru et Poopó) et d’autre part, chez les plus riches (les Aymaras des villages limitrophes à la frontière chilienne. Dans le passé, la population (blanche) des villes avait surtout peur des exigences d’une classe appauvrie de campesinos et mineurs; aujourd’hui, on se sent menacé autant par quelques communautés andines devenues économiquement plus fortes, qui, par exemple, s’accaparent des biens immobiliers au centre ville, quand ceux-ci sont à vendre. Dans le temps, nous avons déjà écrit : « les peuples andins conquièrent les villes ».
C’est sans doute une évolution positive que, ces derniers temps, on fait davantage de travaux de recherche en quête de solutions pour des problèmes sociaux, et qu’on tient de plus en plus compte des études sociales et anthropologiques dans le travail de développement.

4. Entre-temps, il est aussi devenu évident qu’on ne peut pas parler d’une persécution de l’Église en Bolivie. On vient de signer une nouvelle entente de collaboration entre l’État et l’Église catholique concernant l’enseignement, les soins de santé et l’action sociale. Maintenant que la lutte électorale est engagée, des partis d’opposition de droite essayent encore de se montrer comme les défenseurs de l’Église et de la foi. La conférence épiscopale a même trouvé nécessaire de condamner publiquement l’abus des célébrations eucharistiques et autres manifestations religieuses à des fins politiques.
Mais la tension n’est pas tout à fait disparue. La direction de l’Église demeure méfiante vis-à-vis la politique gouvernementale. Même à l’intérieur de l’Église, à ’la lecture des signes du temps’, on arrive à des conclusions divergentes, et cela se manifeste, entre autres, dans la formulation des priorités et attentes à l’égard de la ‘Mission Permanente’ qui, sur la proposition de la Conférence épiscopale d’Aparecida (2007), s’est mise partout en marche. Le réseau continental AMERINDIA a publié un livre à ce sujet (‘La Misión en Cuestión, Bogotá 2009), dans l’espoir de donner une impulsion à la conservation et surtout l’actualisation de l’héritage des conférences de l’Amérique latine de Medellín, Puebla, Santo Domingo et Aparecida. En tant que groupe AMERINDIA à Oruro, nous poussons la charrue dans le même sens. Le démarrage pour des changements de structure et de mentalité, réalisé grâce à la théologie de libération et les communautés de base de l’Église, ne doit pas se perdre.

Gilberto Pauwels
Oruro Bolivia

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