Amigos,
Juan Carlos Montoya part pour une tournée de trois semaines en Flandre. Il est un Aymara de Corque et agronome; il est devenu le responsable départemental des préoccupations environnementales à Oruro et est aussi le fondateur de la section de développement rural à la faculté d’agronomie de l’université locale. Comme collaborateur occasionnel de CEPA (Centre pour Écologie et peuples Andins) il a prit en charge d’informer des gens et des groupes en Flandre sur les problématiques sociales et environnementales dans les relations entre les compagnies minières polluantes et les communautés andines des villages ruraux et des périphéries menacées de la ville.
- La visite de Juan Carlos est la continuité de toute une série de gens d’origine indienne et/ou ouvrière qui, à partir d’Oruro, sont allés témoigner en Europe de la vie, de la bonne et mauvaise fortune et des rêves de leur peuple. Ils sont tous restés actifs dans le travail du développement (Félix, Carol, Digna, Ely, Orlando — décédé —, Mirka, Ruth); ils continuent la recherche anthropologique (Ricardo) ou s’engagent dans une fonction publique comme sénatrice (Isabel), préfet (Luis Alberto) ou vice-ministre (Isaac).
Des expériences semblables peuvent parfois avoir des effets à long terme. Il y a quelques jours, j’ai rencontré dans la rue Félix Cárdenas. Nous avons échangé sur les nouveaux vice-ministères pour la décolonisation. Hé! oui, me disait-il, dans un intermède, quand j’étais en tournée en Flandre en 1993, sur invitation de Broederlijk Delen, j’ai pu participer à une rencontre sur le thème ‘’Stop au racisme’’. Le mois prochain nous allons organiser, à Cochabamba, une rencontre nationale autour du même slogan.
Probablement, à la fin de l’année, Francisca, qui travaille à la bibliothèque de CEPA, ira avec son enfant pour quelques semaines en Allemagne. Elle est Chipaya et la première femme de ce petit groupe ethnique qui fait des études universitaires, en anthropologie en plus. Avec des linguistes de Berlin, dans le cadre d’une recherche de doctorat, elle a entrepris une étude de la langue de son ethnie et elle est maintenant invitée à aller mettre les derniers points sur les « i ». La cueillette patiente de données sur l’histoire et la culture de cette petite minorité pourrait devenir la contribution la plus tangible et durable de CEPA aux peuples andins, même si cela ne figurait pas directement dans le planning du Centre.
Il se peut que le travail en développement internationale soit rendu à une phase de « prendre son temps » ou en «dé-plannification ». Peut-être comme conséquence à la critique sur la collaboration en développement, tous les accents sont allés sur le planning et sur la réalisation des objectifs à atteindre, de préférence au plus court terme possible. Nous entendons maintenant les premières critiques de cette méthode.
« Le planning mène aux recettes, à la technocratisation, au plus offrant et à la négation du contexte local. Le contraire du planning est la liberté de pouvoir tomber et se relever, pouvoir ‘chercher’ sans suivre de recettes. On peut bien planifier un peu mais seulement comme réponse à un questionnement où le planning n’est plus un but mais un moyen. » (W.Easterly). Il semble donc qu’il ne s’agit pas de changer le planning mais de planifier le changement permanent.
En attendant, la dynamique des processus sociaux en Bolivie nous force à la créativité et à la souplesse. Un exemple : depuis des années nous accompagnons, en tant qu’organisation à la défense de l’environnement et des cultures, les communautés rurales du bassin de la rivière Desaguadero, dans leur lutte contre la pollution par l’exploitation aurifère. Mais tout à coup, tout change. C’est fini, nous arrêtons, dit Inti Raymi, en septembre nous fermons les mines. (Kori Kollo et Kori Chaca). Ainsi, l’organisation des communautés menacées, (CORIDUP) nous demande de collaborer pour que le géant multinational et propriétaire, Newmont, ne s’échappe pas avant d’avoir réglé ses comptes sociaux et environnementaux. Mais serait-il vrai que tout est fini ? Ne déplaceront-ils pas simplement l’exploitation minière vers une autre compagnie avec comme résultat que tout est à recommencer ? S’agit-il d’une stratégie bien pensée dans le but de pousser la population à supplier pour qu’ils continuent et ainsi de sauver des emplois et des revenus locaux, si minime soient-ils, comparés aux gains que la compagnie fait ? Finalement, ne cèderont-ils pas, soi-disant, pour pouvoir continuer et prendre de l’expansion ? Bien sûr, dans ce cas par exemple, avec des conditions qui font que les organisations environnementales sont réduites au silence et paralysées. Une fois le processus de changement engagé, il deviendra clair pour nous comment réagir.
Devant tout cela, que devons-nous redouter le plus ? De manquer de souplesse et de créativité. Il serait grave qu’on en vienne à la conclusion que nous avons continué à donner les mêmes réponses, alors que les questions avaient été changées depuis longtemps
En attendant, le voyage de Juan Carlos est certainement une opportunité pour peaufiner nos relations internationales et habilités techniques dans la collaboration avec les universités et organisations flamandes.
Gilberto Pauwels
Oruro Bolivia
1 comment:
Dans ma réflexion sur les desarrolleros, je me suis intéressé à la catégorie de projet, notion ô combien occidentale. En occident on est passé du "projet de société à la société de projets" (Jean-Pierre Boutinet 1995). Et maintenant on exige même aux indigènes qu'ils soient porteurs de projets... Comment dit-on développement en quechua o aimara o guarani? la meilleure réponse que j'ai trouvé en 20 de trainer dans les Andes, c'est "raymi". Les andins ayant toujours su s'organiser pour les fêtes à venir. Et évidemment, ce serait un manque de sérieux de le mentionner dans nos POA et autres plans... le PDM"Originario" de Carahuara de Carangas l'ignore également... On est loin de l'interculturalité.
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